L'Allemagne compréhensive à l'égard de la France sur ses déficits

Par latribune.fr  |   |  939  mots
Michel Sapin, et son homologue alleand Wolgang Schäuble lors d'une conférence de presse commune
Pour leur première sortie en dehors de France, les deux nouveaux ministres français des Finances et de l’Economie ont pris la direction de Berlin. Ils y ont défendu les choix budgétaires de Paris.

On pourrait croire à une coïncidence. D'un côté, Bercy a été remanié à l'allemande avec un ministère des Finances et un ministère de l'Economie. De l'autre, les deux ministres Michel Sapin et d'Arnaud Montebourg ont choisi l'Allemagne comme destination de leur première sortie.

En réalité, les deux nouveaux ministres français sont allés chercher, dans un pays très attaché à la maîtrise des déficits, un premier soutien avant de demander à Bruxelles un nouveau délai pour la réduction du déficit. Contre toute attente, L'Allemagne s'est montrée compréhensive à l'égard de la France.

"L'Allemagne a besoin d'une France forte"

Le ministre français des Finances Michel Sapin a ouvert le bal des visites. Il a rencontré son homologue le conservateur Wolfgang Schäuble. A l'issue d'un entretien, le ministre allemand a adopté lors de leur conférence de presse commune un ton conciliant.

"L'Allemagne a besoin d'une France forte" a dit Wolfgang Schäuble qui peut se vanter de gérer les finances d'un pays en situation d'excédent des comptes publics. Selon le ministre allemand, "la France est sur un très bon chemin", faisant référence aux réformes annoncées à Paris. Wolfgang Schäuble parle d'une "très bonne rencontre" avec Michel Sapin. Et il se dit "convaincu" par les explications de ce dernier.

Tout ne se réduit pas à la baisse du déficit

Les deux ministres ont nié avoir abordé frontalement dans leur entretien le sujet le plus épineux, à savoir le dérapage annoncé des finances publiques françaises. Sur le sujet de la discipline budgétaire, le ministre allemand des finances part du principe que Paris est "conscient de ses responsabilités" et il a ajouté qu'il ne fallait pas : "tout réduire à une seule question", celle de la baisse des déficits.

La France a déjà bénéficié de deux délais pour ramener son déficit public sous la barre de 3% du Produit intérieur brut. La promesse était d'y parvenir d'ici 2015, mais plus personne n'y croit. Le déficit public français a en effet atteint 4,3% en 2013.

Les Allemands connaissent le contenu des réformes avant les députés français

A Berlin, Michel Sapin a vanté les mérites des réformes "difficiles" que doit exposer mardi 8 avril le Premier ministre Manuel Valls aux députés. Il a dit avoir révélé en avant-première à son homologue allemand des détails des annonces du Premier ministre. Il ne les a cependant pas exposés à la presse.

Le gouvernement français va devoir mener de front des baisses de charges pour les entreprises, "beaucoup trop faibles" selon Michel Sapin, un coup de pouce fiscal aux ménages "qui ne peuvent pas payer plus d'impôts", et un paquet d'économies de 50 milliards d'euros.

Se comparant lui-même à un "Schäuble français",  Michel Sapin a promis la "poursuite de la remise en ordre des finances publiques", soulignant que la France avait déjà fait "des efforts considérables" et allait les "amplifier", mais pas à n'importe quel prix.

Tout est une question d'"équilibre" entre "le respect des engagements et une croissance économique supérieure." Le ministre français des Finances a reconnu qu'il s'attendait à des "difficultés". Et tout particulièrement lors du prochain dialogue avec la Commission européenne, gardienne des règles budgétaires.

Pourquoi l'Allemagne est-elle conciliante avec la France ?

Ce n'est pas dans les habitudes des Allemands d'être bienveillant à l'égard des Français. Après le remaniement, le quotidien Die Welt avait dépeint le nouveau ministre de l'Economie en "successeur de Colbert", "l'homme qui effraie les investisseurs étrangers avec des discours relevant de la lutte des classes".

Néanmoins, on pouvait sentir une légère inflexion de ce discours ce lundi. Une certaine bienveillance filtrait en effet dans les propos d'une source gouvernementale citée par le quotidien Süddeutsche Zeitung : "Cela ne sert à rien de se braquer sur des principes si le résultat final est de détruire l'économie française", indiquait cette source, voulant croire aux promesses de réformes du président François Hollande

Deux ministres, deux agendas

L'objectif de la visite française de ce lundi était aussi de convaincre les Allemands de la cohérence du nouveau duo de ministres, composé de Michel Sapin et d'Arnaud Montebourg. Une telle configuration, habituelle en Allemagne, est inédite en France.

Quant au ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, il  avait un agenda séparé. Mais il s'est aussi exprimé sur la question des déficits, estimant qu'elle était "accessoire par rapport à la croissance". "La croissance, c'est elle qui crée les emplois. Les comptes publics, ça ne crée aucun emploi, ça peut même en détruire. Voilà. C'est le message que j'adresse ici à nos amis allemands qui d'ailleurs font preuve de compréhension", a dit le ministre, sur I-Télé.

Deux agendas, deux casquettes: Arnaud Montebourg a préféré celle de réformateur de l'Europe. "Je suis venu rencontrer mon homologue pour aborder un certain nombre de questions qui sont dans le champ européen, car notre objectif est que l'Europe change et bouge", a-t-il déclaré à quelques journalistes. "Le meilleur moyen de défendre (l'Union européenne) est de la faire évoluer et de répondre aux aspirations populaires", a défendu le ministre.

Arnaud Montebourg a ensuite rencontré des économistes puis le ministre allemand de l'Economie social-démocrate Sigmar Gabriel dans l'après-midi. Au programme des discussions: le numérique et la compétitivité industrielle, notamment.