Le monde des bulles est sur le point d'exploser

Par Antoine Guerrier  |   |  573  mots
"On ne peut pas financer les retraites de demain avec la précarité d'aujourd'hui" Martin Leclerc. /cc Flickr ActuaLitté
Les auteurs de bande dessinée sont en colère. En cause, l'annonce du RAAP (Régime des Artistes Auteurs Professionnels) d'une hausse des cotisations de 8% pour la retraite complémentaire obligatoire.

Dans une lettre ouverte adressée à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, 748 auteurs de bande dessinée alertent le gouvernement sur leurs conditions de travail. La lettre, diffusée mardi et intitulée "Le temps est-il venu de nous dire adieu ?", réclame la suspension d'une hausse prévue de leurs cotisations retraite début 2016.

Dans une période ou les revenus, les avances, et les droits d'auteurs ne cessent de diminuer, la réforme vient perturber le monde des bulles.

"Depuis des années, sans bruit, sans révolte, nous survivons par passion pour notre métier, pour nos histoires et ceux qui les lisent, mais aujourd'hui, nous voyons notre fin approcher et nous refusons de nous y résigner" peut-on lire dans la lettre adressée à Aurélie Filippetti.

Une réforme qui arrive "comme un cheveux sur la soupe" pour Martin Leclerc, alias Maël, illustrateur de bande dessinée. "Le pire dans cette histoire, c'est que personne n'a été consulté. Il n'y a eu aucun accord, aucun agrément. Un comble lorsque l'on voit ce qu'ils nous proposent !"

Une hausse des cotisations qui atteint 8%

Cotisant à hauteur de 10% pour les prestations sociales, l'annonce d'un taux de cotisation de 8% pour la retraite complémentaire obligatoire est un scandale pour les auteurs. "Cette hausse représente pour nous 1 mois de revenus. Ça va créer de gros soucis chez le plus faible d'entre nous" déplore Lewis Trondheim, auteur de bande dessinée.

D'autant plus que la situation est "incompréhensible. La RAAP ( association dont dépend la retraite des auteurs) à envoyé une lettre aux cotisants, le 5 mai 2014, faisant mention du fait qu' "en effet notre régime est sein avec un excellent "rendement technique de nos points de retraites"".

La goutte d'eau qui fait déborder le vase

Comprenant 1.500 auteurs de bande dessinée en France, l'annonce de la réforme a fait l'effet d'une bombe. Près de la moitié des auteurs sont mobilisés. "On est de plus en plus solidaire" se rassure Lewis Trondheim. Une solidarité qui s'explique, selon Martin Leclerc, par le fait que les deux tiers de la profession vivent au niveau du SMIC.

"Parfois nous avons l'impression qu'ils ne connaissent pas nos conditions de travail. Nous sommes dans un système qui exploite notre situation. On ne sait pas comment s'en sortir. Quand on fait ce métier, on le fait à fond. Alors lorsque l'on apprend que les cotisations vont être multipliées par 6 c'est insupportable pour nous tous !" s'agace Martin Leclerc.

Un problème de méthode

Un problème, pour les auteurs, qui réside dans le nouveau calcul des obligations de retraite complémentaire. Dans le système actuel, les auteurs choisissent leurs échelons (4) situés entre 250 et 1.700 euros. Or, la réforme propose la proportionnalité des cotisations. Une aberration pour Martin Leclerc :

"C'est encore ceux qui cotisent le moins qui seront le plus touchés. On ne peut pas financer les retraites de demain avec la précarité d'aujourd'hui".

Un sentiment partagé par l'ensemble de la profession que résume le Groupement BD du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs :

"La piste qui nous apparaît la plus évidente serait d'envisager un réel financement de la couverture sociale des auteurs par les acteurs de la chaîne du livre qui bénéficient le plus du travail de ces professionnels, comme c'est le cas dans d'autres domaines artistiques".