Pouvoir d'achat : Nicolas Sarkozy fera des propositions aux syndicats

Par latribune.fr  |   |  1572  mots
Le chef de l'Etat recevra les partenaires sociaux le 18 février. Il a évoqué la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu. La taxe professionnelle sera également supprimée en 2010.

Le chef de l'Etat avait promis qu'il répondrait aux inquiétudes et aux mécontentements populaires, qui s'étaient notamment manifestés le 29 janvier dernier lors de la grande journée de grève. Pendant un peu plus d'une heure et demi jeudi soir, Nicolas Sarkozy a tenté de déminer le terrain social en donnant du grain à moudre aux syndicats, sans toutefois toucher au noyau dur de sa politique économique. 

Première annonce: les intérêts des prêts consentis aux banques françaises rapporteront 1,4 milliard d'euros cette année et seront "intégralement" affecté au financement des mesures sociales, a assuré Nicolas Sarkozy. "J'ai mobilisé potentiellement 320 milliards d'euros pour aider les banques, nous en avons utilisé 25 milliards", a-t-il expliqué. Et cela n'a "pas coûté un centime d'euro".

Le chef de l'Etat a par ailleurs annoncé son intention d'engager des discussions avec les partenaires sociaux, qu'il recevra le 18 février, afin de mettre en place des mesures qui permettrait de redistribuer du pouvoir d'achat, mesures qui manquent dans le plan de relance, basé sur l'investissement. Il a ainsi évoqué la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu et du deuxième tiers, l'augmentation des allocations familiales ou encore la meilleure indemnisation du chômage partiel, passée au début du mois de 50% à 60%. Il demande par ailleurs aux partenaires sociaux de réfléchir au "partage du profit" entre les salariés et les actionnaires, sans quoi "l'Etat prendra ses responsabilités".

Suppression de la taxe professionnelle

Pour mettre un terme aux délocalisations et "garder des usines en France", Nicolas Sarkozy a annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2010. "Je ne peux pas dire aux actionnaires pour le coup: ne délocalisez plus, relocalisez, et en même temps leur laisser des charges et des contraintes qui font qu'ils ne s'en sortiront plus", a-t-il expliqué. Une mesure dont le manque à gagner est chiffré à 8 milliards d'euros par an. Des discussions avec les élus locaux auront lieu pour compenser cette perte de recettes fiscales. Des "contreparties" seront demandées aux industriels, a-t-il indiqué, sans donner plus de précisions.

Toujours côté imposition, le chef de l'Etat souhaite l'instauration d'une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) réduite pour tous les produits propres ainsi que sur tous les produits culturels. "Je pense que le système européen sur les TVA n'est pas le bon", a-t-il par ailleurs estimé, en faisant référence à l'unanimité requise pour modifier la TVA sur certains produits. Il s'est par ailleurs montré confiance pour la mise en place d'une TVA à taux réduit sur la restauration.

Face à la hausse des dépenses publiques, Nicolas Sarkozy a maintenu son objectif de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. "Pour financer la dépense publique, il faut des impôts", a-t-il expliqué, ajoutant qu'il se refusé à les augmenter. Il n'engagera donc "pas de dépenses publiques supplémentaires". Selon lui, on reviendra ainsi "au même nombre de fonctionnaires qu'en 1992", quand François Mitterrand était président. "Je n'ai pas le souvenir que la France était alors sous-administrée", a-t-il argué.

Refonder le capitalisme

Au niveau mondial, Nicolas Sarkozy souhaite "refonder le capitalisme mondial", en plaidant pour une position commune des Vingt-sept pays de l'Union européenne lors du prochain G20 à Londres en avril. Le chef de l'Etat a notamment évoqué un meilleur contrôle des établissements financiers, notamment des fonds spéculatifs, les hedge funds, ou encore des agences de notations, dont le travail a été "détestable". Autres questions à trancher: les rémunérations des traders, la régulation mondiale des marchés, la transparence dans les paradis fiscaux. "Ça nous mènera à nous poser des questions sur nos relations avec Andorre et Monaco".

Les réactions ont été nombreuses dans la foulée de l'intervention du chef de l'Etat. En voici les principales.

Du coté des représentants syndicaux

Selon Jean-Claude Mailly (FO), "il n'y a pas d'annonce concrète et immédiate. Tout est renvoyé à des discussions". Pour cette raison également, Marcel Grignard (CFDT) a exprimé sa "déception". Le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri, a jugé que ce n'était pas "à la hauteur des attentes exprimées par les manifestations" du 29 janvier. Bernard van Craeynest (CGC) a reproché à Nicolas Sarkozy de "chercher à gagner du temps". La CFTC l'a soupçonné "de botter en touche". Au nom de la CGT, Bernard Thibault ne devait réagir que vendredi matin.

Pour le patronat, la présidente du Medef, Laurence Parisot, s'est félicitée vendredi de la suppression de la taxe professionnelle en 2010, s'inquiétant toutefois d'un éventuel remplacement par un autre impôt. "Bien sûr, c'est une bonne mesure, très compliquée à mettre en oeuvre, mais c'est une bonne mesure à condition qu'elle ne soit pas remplacée par un autre impôt qui va pénaliser le même secteur d'activité", a déclaré Laurence Parisot sur Europe 1.

"Nous savons que la taxe professionnelle, c'est ce qui pénalise l'industrie française. Aucun pays industrialisé n'a un impôt de ce type qui pénalise l'investissement, le futur", a-t-elle rappelé, indiquant que la suppression de cette taxe aura également un impact positif sur l'emploi et les salariés. "Nous sommes tous d'accord pour dire que la priorité c'est l'emploi, d'éviter les fermetures de sites, et d'éviter le plus possible des faillites d'entreprises. Et quand le président de la république envisage de supprimer la taxe professionnelle, ce n'est pas 8 milliards pour les entreprises, et zéro pour les salariés", a insisté la présidente du Medef.

Du côté des formations politiques

Le secrétaire d'Etat à la Défense et aux anciens combattants, Jean-Marie Bockel, président de la Gauche moderne (GM), petit parti allié à l'UMP, estime qu'"en disant clairement "Pour les salariés le compte n'y est pas,  Nicolas Sarkozy a montré que la réforme et la justice pouvaient aller de pair".

Pour Jean-Marie Le Pen, président du Front national (FN), "il nous a expliqué une fois de plus ce qu'il faut faire pour résoudre les problèmes (...) Et une fois de plus c'était : demain on rase gratis".

Pour Jean-Christophe Cambadélis, député PS de Paris, "Nicolas Sarkozy maintient le cap sur l'essentiel, propose des suggestions sur le superflu. Le président de la République a mis à côté de la plaque en maintenant sa ligne alors que tout change".

Pour Nathalie Arthaud et Arlette Laguiller, de Lutte ouvrière (LO), "ceux parmi les travailleurs, les chômeurs, les retraités, qui n'attendaient rien du discours de Sarkozy ce soir n'auront pas été déçus. Sarkozy n'avait rien à leur dire, si ce n'est quelques mots hypocrites de compassion".

Pour Maurice Leroy, porte-parole du Nouveau Centre, Nicolas Sarkozy, "refusant le renoncement a redessiné ce soir pour les Français un horizon politique", avec "volonté", "détermination" et "pédagogie".

Enfin, pour Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée, "le président n'a pas seulement eu un tardif éclair de lucidité, il a donné raison à ce que nous n'avons cessé de dire et de promouvoir: une relance fondée sur un nouveau modèle de partage et de développement: emploi, pouvoir d'achat, investissement".

Au sein de sa majorité,  Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée a déclaré: "Nicolas Sarkozy a su trouver le ton et les mots justes pour rassurer les Français, en expliquant les choix de la France, en remettant notre action en perspective et en traçant la voie des réformes indispensables qu'il nous faut conduire".

Pour sa part, le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, a estimé qu'il y avait eu "des réponses et des propositions précises" face à la crise. Aux "questions directes, précises" des Français, le président de la république a apporté des "réponses directes, précises" et "des propositions fortes", a déclaré Xavier Bertrand, qui a suivi l'interview du chef de l'Etat depuis le siège national, rue La Boétie, entouré de la quasi-totalité des ministres membres de la direction de l'UMP. "La volonté est claire, c'est une mobilisation totale pour l'emploi, en faveur des salariés, notamment ceux que l'on appelle les classes moyennes et qui gagnent le SMIC", ou "un peu plus", et "qui n'arrivent pas à s'en sortir, a-t-il ajouté.

Enfin, François Fillon, Premier ministre, a vu jeudi soir dans Nicolas Sarkozy un président "totalement engagé" aux côtés des Français, qui les a invités "à affronter" la crise "avec lucidité et solidarité" et en réaffirmant la poursuite des réformes. Il "a invité nos concitoyens à affronter la crise avec lucidité et solidarité", ajoute-t-il. "Dans l'épreuve", dit encore François Fillon, "il a fait de l'emploi une priorité. Il a souligné avec force que l'équité et la justice sociale constituaient des composantes essentielles de la mobilisation nationale face à la crise, créant ainsi les conditions d'un dialogue social approfondi".

"Il a rappelé que la poursuite des réformes était la condition de notre redressement et que seule une politique de relance fondée sur l'investissement pouvait protéger nos emplois, stimuler l'économie et garantir la signature de la France", estime également le chef du gouvernement dans son communiqué.