Perte du Triple A : le contre-choc viendra de la zone euro

Par Robert Jules et Sara Sampaio  |   |  636  mots
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Après le choc de la dégradation, Paris relativise les conséquences, réelles, de cette décision pour son ­propre compte. Mais cette nouvelle donne va compliquer la résolution d'une crise de la zone euro dont pâtit de plus en plus... la France.

Après le cauchemardesque vendredi qui a vu la dégradation du triple A de la France par l'agence Standard & Poor's (S&P), le gouvernement français avait de quoi retrouver des couleurs lundi. Moody's et Fitch n'ont pas suivi leur consoeur, conservant la meilleure note au pays et l'emprunt, certes à court terme, de quelque 8,6 milliards d'euros effectué par l'Agence France Trésor s'est bien passé, à des taux modérés. Mais l'embellie risque d'être de courte durée.

L'emprunt pénalisé

En effet, la nouvelle donne imposée de facto par S&P va compliquer non seulement l'assainissement des finances publiques en France, ce qui n'est pas nouveau puisque le taux pratiqué sur le 10 ans s'est installé au-dessus des 3% depuis plusieurs semaines, mais aussi le fonctionnement de sa machine économique. En effet, au-delà de la capacité d'emprunt de la France, c'est aussi celle des collectivités locales et des PME qui va se tendre. On aura sur ce point une bonne indication du sentiment des investisseurs privés, avec une autre émission d'obligations à long terme, jeudi, par le Trésor français portant sur un montant compris entre 7,5 et 9,5 milliards d'euros.

Quant au plan de la zone euro, cette dégradation qui s'est également appliquée à l'Autriche s'est soldée lundi par la perte du triple A du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Selon S&P, le potentiel de prêts du FESF noté AAA, qui s'établissait à 440 milliards d'euros, va être amputé de 180 milliards d'euros. "Il semble donc probable que les membres de la zone euro devront prendre rapidement une décision sur le FESF, soit demander aux quatre pays encore notés AAA (Allemagne, Pays-Bas, Finlande et Luxembourg) d'augmenter leur contribution, soit réduire la capacité de financement du fonds européen. Ce problème devrait influencer le marché, même si les investisseurs ont clairement l'impression que ce mécanisme d'aide ne permettra probablement pas de sauver la zone euro", explique Steven Barrow, chez Standard Bank.

En effet, au-delà du FESF, l'une des clés de voûte de l'accord du sommet européen de décembre qui portait sur une deuxième aide à la Grèce de 130 milliards d'euros était la participation du secteur privé à la restructuration de la dette grecque. Or ce volet visant à effacer 100 milliards d'euros est loin d'être acquis. Après la suspension vendredi des négociations entre le lobby bancaire et le gouvernement grec, une nouvelle rencontre est prévue mercredi. Le Premier ministre grec, Lucas Papademos, s'est dit "confiant" sur un accord, mais du côté des investisseurs, le doute prédomine. "Aussi bien les règles juridiques que le bon sens disent que tous les créanciers doivent être traités de la même façon. On espérait cependant que les créanciers privés - banques, "hedge funds" - accepteraient un abandon de créances important et que les créanciers publics - Banque centrale européenne, Fonds monétaire international, États européens - garderaient leurs créances entières. Cela ne marche pas", constate Maurice de Boisséson, chez Octo Finances.

Enfin, et surtout, les doutes grandissent sur la gestion de cette crise depuis ses débuts en 2009. "La dette grecque est passée de 115% du PIB à 160% en deux ans parce que la recette imposée était fausse. Grâce à la Grèce, la zone euro apprend ce qu'il ne faut pas faire !", indiquait, lundi, Nicolas A. Vernicos, président de la Chambre de commerce international de Grèce, au colloque annuel de la Coface. A cette réunion, le ministre français de l'Economie, François Baroin, lui, a martelé que la dette de la France était "un investissement qui ne comporte aucun risque", évitant d'évoquer la zone euro.