Un quinquennat marqué par le chômage de masse

Par latribune.fr  |   |  825  mots
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Nicolas Sarkozy a érigé la formation des chômeurs en "priorité absolue" lors de ses derniers voeux aux Français. Il laissera au terme de son mandat un pays miné par le chômage de masse.

A la fin de 2011, le nombre de chômeurs inscrits en "catégorie A" - ceux n'ayant exercé aucune activité au cours du mois écoulé - approche les trois millions en France métropolitaine. Il affiche une hausse spectaculaire de 35% depuis que Nicolas Sarkozy est aux affaires.

En ajoutant les personnes exerçant une activité réduite et les demandeurs d'emploi des territoires d'Outre-mer, ce nombre dépasse les 4,5 millions.

Plus représentatif, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail s'établissait à fin septembre à 9,3% de la population active. Il atteignait 8,5% un mois après l'élection du chef de l'Etat.

Les ministres du Travail qui se sont succédé au gouvernement depuis cinq ans ont régulièrement accusé la crise de 2008, dépeinte comme "la plus grave" depuis 1945, d'avoir empêché la réduction significative du chômage, et répété à l'envi que la France n'était pas un cas isolé en Europe.

Les chiffres du bureau européen de la statistique Eurostat apportent un démenti formel à ces deux arguments. A l'exception de l'Espagne, où le taux de chômage dépasse les 20%, la France enregistre la plus mauvaise performance des pays qui lui sont comparables dans la zone euro.

"Le fait que le chômage soit revenu à ses niveaux d'il y a dix ans est à imputer pour moitié à la conjoncture et pour l'autre aux très mauvaises politiques publiques mises en oeuvre pour replacer l'emploi au centre des préoccupations", estime Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur-crédit Euler Hermes.

"Pendant dix ans, le gouvernement a trop peu, et mal, dépensé. En favorisant par exemple des exonérations de charges (comme sur les heures supplémentaires-NDLR) et des contrats aidés sans y adjoindre la formation adéquate, il n'a pas permis un retour à l'emploi dans la durée. Or ce ne sont pas les politiques 'passives' mais 'actives' qui fonctionnent", ajoute-t-il.

GOUTTES D'HUILE

Dans les faits, la France dépense de moins en moins pour résoudre un mal fréquemment décrit comme "structurel". Fin du plan de relance oblige, la dotation de la mission "Travail et emploi" devrait reculer de 12% cette année, à environ 10 milliards d'euros.

Elle serait encore réduite en 2013 à 9,2 milliards.

A 95 jours du premier tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a convoqué le 18 janvier un "sommet de crise" destiné à apporter de nouvelles réponses au chômage et au "manque de compétitivité" de la France.

Le gouvernement a annoncé un effort budgétaire de 430 millions d'euros via des redéploiements de crédits en vue de financer le développement de l'activité partielle, un dispositif "zéro charge" pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans dans une très petite entreprise et le recrutement de 1.000 salariés en contrat à durée déterminée à Pôle Emploi dont les performances ont été jugé insuffisantes.

L'enveloppe attribuée à la formation des chômeurs ne devrait toutefois totaliser "que" 190 millions d'euros.

"Ces mesures distillent quelques gouttes d'huile dans les rouages mais ne bouleversent pas la situation. Nous nous attendions à des solutions ou à tout le moins à des éléments de solutions. En réalité, on a cherché à éviter que la situation ne se dégrade trop vite", commente Philippe Waechter, économiste chez Natixis Asset Management.

"Il y a évidemment une grande dépendance du marché du travail à l'activité économique mais nous manquons de mécanismes, à l'instar du développement du temps partiel en Allemagne ou aux Pays-Bas, qui permettent davantage d'autonomie par rapport à la conjoncture", ajoute-t-il.

DÉFI MONDIAL

L'Allemagne, dont les performances économiques sont très enviées par la classe politique française, a consacré plusieurs milliards d'euros à un système subventionné de travail partiel afin de protéger sa main d'oeuvre qualifiée.

Beaucoup plus limité en France, le dispositif n'a pas produit les mêmes effets.

Les candidats à l'élection présidentielle n'ont pas encore dévoilé leur programme. Dès lors, les équipes de Natixis AM estiment que dans le cadre actuel du marché du travail la croissance devra s'établir entre 1,5% et 2% en année pleine pour recréer des emplois.

Le gouvernement prévoit pour sa part une progression du produit intérieur brut de 1% en 2012. Les économistes interrogés par Reuters tablent en moyenne sur 0,1%.

Dans le contexte de la crise des dettes souveraines dans la zone euro, ils estiment en outre que le chômage pourrait augmenter davantage que prévu cette année.

Le Fonds monétaire international a nettement réduit ses prévisions pour la croissance mondiale mardi à l'aune des derniers développements en Europe.

Dans un rapport publié mercredi, l'Organisation internationale du travail (OIT) a prévenu que le monde était désormais confronté au défi "pressant" de créer 600 millions d'emplois productifs au cours des dix prochaines années pour générer une croissance durable et préserver la cohésion sociale.