Un collectif budgétaire de campagne

Par Romaric Godin  |   |  719  mots
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Le gouvernement a présenté son projet de loi de finances rectificative. Pas de rigueur malgré la baisse de la prévision de croissance, mais la TVA sociale et la taxe sur les transactions financières sont au menu. Le message que souhaite envoyer l'Elysée : voter pour Nicolas Sarkozy permettra de créer des emplois et de lutter contre la finance.

C'est un projet de loi de finances rectificative qui ne veut pas fâcher l'opinion. Malgré une révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2012 de 1 % à 0,5 %, ce collectif budgétaire n'est pas, martèle-t-on à Bercy, « un troisième plan de rigueur ». Certes, le ralentissement économique va coûter 5 milliards d'euros au budget de l'Etat. Pour faire face à ce manque à gagner, Bercy va d'abord pouvoir bénéficier d'un effet de seuil favorable dû à une exécution meilleure que prévu du budget 2011. La lutte contre la fraude, le maintien de taux d'intérêt beaucoup plus bas que ceux prévus dans la loi de finance et l'introduction de la taxe sur les transactions financières vont également permettre d'amortir le choc. Manquera encore cependant 1,6 milliards d'euros pour revenir aux prévisions de recettes du budget 2012 initial. Mais plutôt que de proposer de nouvelles mesures d'économies, le gouvernement va puiser dans ses réserves de 6 milliards d'euros qu'il avait constituées.

La TVA sociale
A un peu plus de deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, pas question de parler de rigueur. Ce collectif budgétaire vient plutôt à l'appui de ce que pourrait être le programme économique du candidat Sarkozy en insistant sur l'amélioration de la compétitivité avec une mesure phare, la « TVA sociale ». Le projet du gouvernement prévoit ainsi une hausse au 1er octobre de 1,6 point du taux normal de TVA qui passera ainsi de 19,6 % à 21,2 %. En année pleine, cette mesure devrait rapporter 10,6 milliards d'euros. Mais assure-t-on à Bercy, « pas un centime n'entrera dans les caisses de l'Etat » puisque cette hausse de l'imposition indirecte, couplée à un relèvement de deux points de la CSG sur les revenus du patrimoine va financer une vaste réduction des cotisations patronales pesant sur les salaires s'élevant à moins de 2,4 fois le SMIC, soit sur la base de 35 heures hebdomadaires 3355 euros bruts mensuels.

100.000 emplois créés ?
Concrètement, au 1er octobre, la suppression des cotisations familiales patronales sera complète sur les salaires allant jusqu'à 2,1 fois le SMIC. Ensuite, la baisse sera progressive jusqu'au seuil de 2,4 fois le SMIC. En tout, la mesure permettra d'alléger le coût du travail de 13,2 milliards d'euros en année pleine et de 2,4 milliards d'euros sur la seule année 2012. Le ciblage assez large de la mesure, qui ne vise pas qu'une baisse des charges sur les bas salaires, mais qui touchera 14 millions de salariés, permettra selon Bercy d'avoir un impact rapide sur la compétitivité industrielle puisque 80 % des salariés de l'industrie seront concernés. « Proportionnellement, les PME et les très petites entreprises seront plus bénéficiaires que les grandes sociétés », assure-t-on au ministère du Budget. 47 % des salariés de PME devraient ainsi être concernés par la mesure, alors que les PME ne représentent en France que 40 % de la masse salariale.
Le gouvernement repousse d'un revers de main le risque de hausse des prix lié au relèvement de la TVA, fort de l'idée que 40 % seulement de la consommation des ménages est concernée par le taux normal qui sera relevée et que, dans ces 40 %, pas plus de 25 % (soit 10 % du total) concernent des produits importés qui ne pourront répercuter sur leurs prix l'effet de la baisse du coût du travail. Mais à Bercy, on reconnaît qu'un effet de 0,5 point sur l'inflation est « réaliste ». Mais l'essentiel de ce qu'attend le gouvernement de ces mesures, c'est la création de 100.000 emplois, chiffre issu selon le ministère d'un « scénario intermédiaire ». Bercy assure qu'il n'existe pas de doutes quant à l'effet de la TVA sociale sur l'emploi. Le message est clair : si Nicolas Sarkozy est élu, l'emploi s'améliorera.

La Finance paiera
Pour enfoncer le clou, le gouvernement a décidé d'instaurer dès le 1er août prochain une taxe sur les transactions financières qui rapporterait 1,1 milliard d'euros par an, et 550 millions d'euros dès 2012. Nicolas Sarkozy confirme ainsi sa volonté d'agir seul pour servir de « locomotive » sur ce dossier au reste de l'Europe. Il souhaite également envoyer un message à l'électorat : si François Hollande a déclaré la guerre à la finance, lui, Nicolas Sarkozy agit concrètement. Reste à savoir si le message passera dans l'opinion.