Le programme Sarkozy présente toutes les apparences de la rigueur

Par Ivan Best  |   |  800  mots
Le candidat président estime à 9,5 milliards d'euros le coût de son programme. A comparer aux 60 milliards de 2007... Apparemment, tout est mis en œuvre pour ramener les comptes publics à l'équilibre en 2016. Un excédent de 0,5 % du PIB est même programmé pour 2017

A voir rapidement le chiffrage présenté ce jour par le candidat Sarkozy, qui insiste sur la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes publics en 2016, et, mieux, d'un léger excédent de 0,5% du PIB en 2017,  la crédibilité financière du président sortant paraît inattaquable. Tout est estimé à la centaine de millions d'euros près, et les additions tombent on ne peut plus juste. Un affichage heureux le jour où la crise de la dette menace de resugir.
Le document remis aux journalistes présents à la conférence de presse de Nicolas Sarkozy reprend le chiffrage d'un effort global de 115 milliards d'euros -annoncé dès le mois de novembre- , correspondant au redressement des comptes de 2011 à 2016. Ces 115 milliards de mesures de redressement, avant prise en compte de l'impact du programme développé pendant la campagne, se partageraient, on le sait, entre 75 milliards d'économies sur les dépenses et 40 milliards de recettes en plus.

Les promesses 2012: 5,5 milliards d'euros de baisses d'impôts, 4 milliards pour les dépenses
Le coût du programme 2012 de Nicolas Sarkozy est estimé, quant à lui, à 9,5 milliards d'euros. A titre de comparaison, l'Institut de l'entreprise avait estimé à plus de 60 milliards le programme de Sarkozy de 2007 ! L'heure n'est vraiment plus aux excès.
Le programme 2012 prévoit  5,5 milliards d'euros de baisses d'impôts ou de cotisations sociales : cela correspond, pour l'essentiel, à la baisse de cotisations salariales en faveur de rémunérations sous 1,3 fois le smic- , qui représenterait un manque à gagner de 4 milliards. Quant aux dépenses, elles augmenteraient de 4 milliards. La plus forte augmentation est due à la « création de modes de garde pour les jeunes enfants » (1 milliard) et la construction de places de prison (800 millions). Le principe qu'entend appliquer Nicolas Sarkozy, est que les dépenses nouvelles doivent être compensées par des économies, tandis que les allègements fiscaux peuvent être couverts par de nouvelles recettes, autrement des hausses d'autres impôts.

79 milliards d'euros de dépenses en moins pour équilibrer les comptes
Autrement dit, une fois le programme pris en compte, ce ne sont pas moins de 79 milliards qui devront être économisés d'ici 2016. Une somme considérable, correspondant à 4 points de PIB. Les proches de Sarkozy relativisent cet effort. Car ils estiment à 39 milliards d'euros les économies déjà « sécurisées », c'est à dire votées ou actées. Resteraient donc 40 milliards à couper dans les dépenses. Une partie importante viendrait d'économies sur le fonctionnement de l'Etat et les dotations aux collectivités locales (26 milliards). Mais l'assurance-maladie serait, aussi, fortement mise à contribution (13 milliards). Les industriels doivent s'attendre à de nouvelles baisses de prix des médicaments remboursables, et les médecins seraient appelés à une « amélioration des prescriptions » qui, à elle seule, rapporterait 3 milliards d'euros à l'horizon 2016.

D'importantes hausses d'impôt déjà votées
S'agissant des recettes, 45,5 milliards seraient donc à trouver (40 milliards pour la baisse du déficit, 5,5 milliards pour couvrir les allègements fiscaux du programme). Mais 32,6 milliards de hausses d'impôts sont déjà votés depuis la fin 2012, comme l'a détaillé Bercy. La suppression de la Prime pour l'emploi - qui est donc remplacée par un nouveau système d'allègement de charges- rapporterait 2,5 milliards, tandis que l'impôt minimal sur les grands groupes représenterait un gain de 3 milliards. Par ailleurs, la taxes sur les transactions financières élargie aux produits dérivés rapporterait 3 milliards d'euros.

Des interrogations subsistent
Cet ensemble paraît d'une rigueur inattaquable. Mais, au-delà de l'incertitude sur les économies affichées, certains choix prêtent néanmoins à débat. Ainsi, la division par deux des droits de mutation (sur les ventes de logements), promise par le candidat Sarkozy représenterait un manque à gagner de 4 à 5 milliards d'euros pour les collectivités locales, selon les estimations indépendantes. L'équipe de Nicolas Sarkozy l'évalue, elle, à 2,5 milliards. Et estime finalement qu'il n'y pas lieu de prendre en compte ce manque à gagner, car « son coût sera compensé par l'augmentation des transactions immobilières » et l'augmentation des droits à construire de 30%. Un raisonnement typiquement keynésien, selon lequel une baisse d'impôt provoque une relance et une hausse des volumes, qui compense in fine l'allègement fiscal initialement décidé.
L'exonération de charges pour l'embauche d'un senior, évaluée à 400 millions d'euros, paraît bien faiblement estimée. Quant à l'outre-mer, l'importante mesure de baisse de charge qu'évoquait récemment Nicolas Sarkozy, en déplacement à la Réunion, ne représenterait finalement que 70 millions d'euros. En outre, l'enveloppe prévue de 200 millions d'euros consacrée au soutien scolaire des élèves en difficulté peut-elle être à la hauteur de l'enjeu ? Sans parler des incertitudes sur les perspectives macro-économiques: croissance de 2% à partir de 2014, rentrées fiscales spontanées dépassant le rythme du PIB....

Autant de questions que se poseront les opérateurs de marché.