Politique industrielle : après le tout Paris, le tout Régions ?

Par Fabien Piliu  |   |  897  mots
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Dans le "Pacte productif" intégré au programme de François Hollande, les Régions seront désormais en charge de la politique industrielle. A Paris, un haut commissariat à l'intelligence économique et à la prospective sera exclusivement chargé de donner le cap de long terme. Le rôle de la Caisse des dépôts et d'Oseo devra évoluer. Les partenariats publics privés ne seront plus privilégiés pour conduire les investissements de l'Etat.

Fini le jacobinisme ! Alors que le président sortant multiplie les attaques contre les collectivités territoriales, la plupart dans l'opposition, stigmatisant un train de vie qu'il juge excessivement dispendieux, le camp de François Hollande a une ambition bien claire : en cas de victoire du candidat socialiste, il confiera l'exécution de la stratégie industrielle de la France aux Régions !

« Le temps où tout se décidait à Paris est révolu. L'Etat jacobin n'est ni omnipotent, ni omniscient. A Paris, le débat idéologique et politique prend trop de place. Résultat, les prises de décisions sont longues et ne sont pas rationnelles. Dans les territoires, il y a moins de place aux combats stériles. Seul le terrain compte », a expliqué ce mercredi Alain Rousset, le président du Conseil régional d'Aquitaine et de l'Association des maires de France (AMF) à qui François Hollande a confié l'élaboration du « Pacte productif » contenu dans son programme économique.

« Autre avantage de cette décentralisation, les chaînes de décision, de financement sont considérablement raccourcies. Les entreprises gagnent un temps précieux », poursuit la députée SRC de l'Isère Geneviève Fioraso qui a également participé à la rédaction de ce document.

Paris conservera un rôle de stratège

Evidemment, dans le projet socialiste, Paris, c'est à dire l'Etat, n'abandonnera pas totalement ses prérogatives. Si l'exécution sera confiée aux régions, l'Etat devra assumer une réelle fonction de stratège. « Depuis trop longtemps, l'Etat ne se comporte pas en visionnaire. C'est la raison pour laquelle nous créerons un haut commissariat à l'intelligence économique et à la prospective réunissant qui sera un lieu de débats entre les pouvoirs publics, le monde de l'entreprise et les partenaires sociaux », explique-t-il. Que deviendraient le Centre d'analyse stratégique, l'ex-Plan, et la conférence nationale de l'industrie (CNI) actuellement chargée de définir la politique de filière de la France ? « Nous n'avons jamais eu de contact avec eux jusqu'à aujourd'hui. Il faudra procéder à des regroupements des structures existantes », annonce Alain Rousset.

Si certaines questions sont encore en suspens - le Grand emprunt sera-t-il pérennisé, un ministère de l'Industrie de plein droit sera-t-il créé ? -, les responsables PS ont les idées claires sur leur façon de procéder sur un certain nombre de points.

Un crédit impôt recherche exclusivement pour les PME, renaissance des Jeunes entreprises innovantes (JEI)...

Dans le domaine de l'innovation, Alain Rousset promet déjà le renouveau du statut du statut de jeune entreprise innovante (JEI) et d'inscrire dans le marbre celui d'entreprise innovante et de croissance (EIC) port par le Comité Richelieu. Il plaide également pour un recentrage du crédit impôt recherche sur les PME.

Dans le domaine du financement, FSI Régions créé par Nicolas Sarkozy devra monter en charge. Le rôle de la Caisse des dépôts devra par ailleurs évoluer. « Je m'interroge lorsque je me rends compte que la CDC demande des rendements à la sortie de ces investissements supérieurs à ceux réclamés par le capital développement et les business angels. En tant qu'établissement public, la CDC doit avoir un comportement exemplaire », martèle Alain Rousset.
Sur ce point, le recours aux partenariats publics privés (PPP) ne sera plus la règle. Pour deux raisons. « D'une part, avec cette méthode, l'Etat ne prend plus réellement ses responsabilités lorsqu'il s'agit de financer des investissements lourds. D'autre part, il s'endette à long terme en devant assumer des loyers et des coûts d'entretien qui sont mal calibrés dès le départ », explique Geneviève Fioraso.

Oseo n'est pas oubliée. Le pacte productif entend lever deux blocages qui briderait actuellement l'action de la banque publique en matière de financement des entreprises. Alain Rousset entend d'une part délier les interventions de la banque avec celles de banques privées. D'autre part, il veut supprimer la règle du « stop loss », qui empêche Oseo de garantir l'apport en fonds propres dans les sociétés de capital risque qui interviennent sur des dossiers risqués. « Pourtant, qui, sinon l'Etat, peut financer le risque lorsque les banques sont trop frileuses ?», s'interroge-t-il

D'autres pistes, comme la création d'une banque universelle, de bourses régionales sont à l'étude comme celles menant au renforcement de l'accès aux marchés financiers. Alain Rousset évoque notamment le développement de nouveaux outils comme les actions sans droit de vote pour renforcer la puissance financière des entreprises. « Il faut également réveiller l'épargne des Français ? Trop de liquidités dorment paisiblement dans les contrats d'assurance-vie », ajoute Geneviève Fioraso.

Plusieurs pistes pour financer cette politique

Pour financer cette politique industrielle, le Pacte productif n'est pas à court d'idées. Pour réduire les dépenses, la chasse aux doublons administratifs sera ouverte, l'Etat central abandonnant un certain nombre de ses compétences actuelles dans le domaine industriel. Coté recettes, Alain Rousset envisage notamment d'orienter une partie du produit d'un impôt national vers les régions.

Cette nouvelle politique industrielle peut-elle être déployée rapidement ? Alain Rousset en est convaincue. « La France n'a plus vraiment de temps à perdre. Un texte de loi sur la décentralisation sera très rapidement présenté au Parlement », annonce-t-il.