Ayrault révise à la baisse les ambitions fiscales du PS

Par Ivan Best  |   |  689  mots
Jean-Marc Ayrault, premier ministre / Copyright Reuters
Le premier ministre exclut tout "big bang fiscal" et refuse de confirmer l'engagement de François Hollande d'une fusion, à terme, de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Un temps évoqué, un simple rapprochement des assiettes de ces deux impôts est même écarté, selon des experts proches du PS

« Il n'y aura pas de big bang fiscal ». La petite phrase, prononcée ce vendredi matin sur BFM par Jean-Marc Ayrault, peut paraître anodine. Le premier ministre est dans son rôle, quand il veut rassurer les Français, toujours inquiets de devoir payer plus d'impôts à l'avenir, ce qui pourrait être la conséquence d'une réforme d'ampleur, source de transferts entre ménages. L'adage fiscal le plus célèbre n'est-il pas : « un bon impôt est un vieil impôt » ?
Au-delà de cette fonction lénifiante, la phrase du chef du gouvernement indique, en creux, une orientation. François Hollande, spécialiste de la fiscalité s'il en est, serait en passe de renoncer à l'une mesure phares du projet socialiste adopté en mai 2011, à savoir la fusion entre impôt sur le revenu et CSG. Déjà, fin décembre, il s'était montré hésitant, évoquant seulement le « rapprochement progressif» des assiettes des deux impôts.

Le projet présidentiel insistait sur la « fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG ».
Mais, dans son projet présidentiel, sur la base duquel il a fait campagne, le candidat Hollande affirme clairement qu'il « veut engager une grande réforme fiscale », que « la contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG, dans le cadre d'un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). »
Aujourd'hui, il n'en est plus question. « On ne parle plus vraiment de réforme fiscale, encore moins de fusion IR-CSG » souligne un hiérarque socialiste, devenu ministre. A savoir : l'impôt sur le revenu sera adapté, mais de là à vouloir mettre en oeuvre une grande mécanique de refonte du système...

Ayrault renvoit les arbitrages à plus tard
De fait, Jean-Marc Ayrault, interrogé sur cette fusion répond: « je ne veux pas m'engager sur ce terrain aujourd'hui. Le ministre des Finances présentera des scénario. Il y aura un arbitrage, d'ici la loi de finances 2013». Et d'ajouter : « sur quoi je m'engage, c'est la progressivité de l'impôt sur le revenu, la justice fiscale » a-t-il déclaré. La progressivité, il entend l'assurer par plusieurs moyens. Notamment la remise en cause de certaines niches fiscales, qui prendra surtout la forme de leur plafonnement à 10.000 euros par an par foyer fiscal, confirmé par le premier ministre. Et le plafonnement du quotient familial, également confirmé, à un niveau correspondant à six fois le Smic. Mais aussi surtout le fait de soumettre au barème de l'impôt sur le revenu l'ensemble des revenus du patrimoine, qui bénéficient aujourd'hui de régimes dérogatoires (prélèvement libératoire et système d'imposition des plus-values). Ce qui n'empêcherait pas le maintien d'autres régimes favorables : assurance-vie et Plan d'épargne en actions.

De redoutables problèmes techniques
Voilà de quoi rendre l'impôt progressif. Et la fusion CSG-IR, inscrite en bonne place dans le projet socialiste, puis dans le programme présidentiel ? Son objectif était d'assurer une sensible progressivité du prélèvement fiscal. En fusionnant les deux impôts, avec un barème totalement rénové, les bas revenus se seraient acquittés d'un prélèvement global (CSG+IR) inférieur aux 8% de CSG qu'ils doivent payer actuellement, sur les salaires (7,5% de CSG et 0,5 point de CRDS, très exactement, un taux valable pour tous les salariés). Un allègement d'impôt qui serait inscrit dans la logique du projet de Lionel Jospin, fin 2000, qui voulait annuler la CSG pour les smicards (le conseil constitutionnel avait jugé ce texte contraire à la constitution).
Mais ce projet pose de redoutables problèmes techniques. La CSG est un impôt individuel, l'impôt sur le revenu est familialisé. Le premier a une assiette large, celle du second est très étroite...A vouloir rapprocher les deux, le risque est élevé de mettre fin à l'avantage premier de de la CSG, à savoir sa base très large.
Un expert proche du PS conclut : « la fusion est écartée, et, dans ces conditions, le rapprochement des deux assiettes ne s'impose plus ».