Fiscalité : Hollande prêt à ménager les entreprises

Par Ivan Best  |   |  888  mots
François Hollande et Maurice Lévy, président de l'Afep, qui tente de limiter les hausses d'impôt frappant les entreprisesCopyrigh AFP
Le chef de l'État, dont le programme électoral prévoyait une forte taxation des entreprises, est prêt à l'adoucir sur certains points. Ainsi, la non déductibilité des intérêts d'emprunt pour l'achat de titres de participation serait amendée. François Hollande se prépare à des arbitrages difficiles entre compétitivité et recherche de nouvelles recettes fiscales.


La France parviendra à 3% de déficit en 2013 (contre 4,5% du PIB en 2012) « sans mesure d'austérité » a assuré le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, ce lundi. Comment ? « Nous avons nos propres voies et moyens, cela s'appelle un projet » a répondu le ministre. Ce projet, on le sait, consiste à ralentir le rythme de croissance des dépenses publiques et à augmenter les impôts, à hauteur de 29 milliards d'euros, à seule fin de réduire le déficit (sans compter une quinzaine de milliards d'euros de prélèvements destinés à financer des mesures nouvelles).

Des hausses d'impôts rendues publiques dès janvier
Ces hausses d'impôts, les proches de François Hollande en ont rendu public le détail dès la fin janvier, en les diffusant de façon informelle auprès de la presse, sans que ce chiffrage soit toutefois publié officiellement sur le site du candidat PS. Elles reposent beaucoup sur la taxation des entreprises. Celles-ci n'ont pas attendu que la loi de finances rectificative, qui sera adoptée par le conseil des ministres dès le 27 juin, pour agir en coulisse.
Soumis dès le début du mois de juillet aux députés, ce « collectif budgétaire » ne sera certes pas aussi dense qu'annoncé dans le document publié par la candidat Hollande, début avril, concernant les mesures de la première année de mandat. Tout ou presque ce qui concerne l'impôt sur le revenu sera renvoyé à l'automne prochain, pour l'examen du projet de loi de finances 2013. Ainsi, le durcissement du système de quotient familial, dont Jean-Marc Ayrault disait vendredi qu'il serait voté dès que le gouvernement aurait une majorité, attendra en fait quelques semaines, de même que le plafonnement des niches fiscales à 10.000 euros par foyer. Rien ne presse, en fait, puisque ces mesures ne concerneront de toutes façons l'impôt sur le revenu payé en 2013.

Des mesures très symboliques, et un début de taxation des entreprises dans le collectif budgétaire
Le collectif comprendra des mesures très symboliques (comme la taxation des hauts revenus à hauteur de 75% et le retour à l'ancien barème de l'ISF, au moyen d'une une surtaxe payable à l'automne), l'annulation, comme prévu, de la hausse de la TVA votée cet hiver, et un certain nombre de mesures de rendement. Il s'agit de commencer à faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, via la taxation des bénéfices des entreprises (impôt sur les sociétés.)
Un des changements importants concernant cet impôt a déjà agité le monde patronal. Il s'agit d'une des principales mesures du programme Hollande de « redressement financier » (quatre milliards d'euros de rendement annuel à elle seule) : l'impossibilité, désormais, de déduire du bénéfice les intérêts d'emprunt liés à l'achat de titres de participation. Une mesure présentée comme contribuant à la « définanciarisation » de l'économie ». L'objectif est d'empêcher notamment les opérations financières de LBO. Ce qui n'a pas manqué, déjà, de faire réagir ce secteur.

Le dispositif "intérêts d'emprunt" serait adouci
Il n'est pas certain que cette mesure figure dans le collectif budgétaire. Elle pourrait être renvoyée, elle aussi, à l'automne. Une chose serait acquise, en revanche, selon nos informations : le Medef et l'Association françaises des entreprises privées (Afep) auraient obtenu que le dispositif soit adouci. Ce que les organisations patronales ont fait valoir, obtenant gain de cause auprès de Bercy, c'est qu'une telle mesure, dont l'objectif premier est bien compréhensible (empêcher les montages financiers par lesquels une entreprise finance le rachat d'une autre en se « payant sur la bête » et en économisant de l'impôt) conduit en réalité à la fin de toute croissance externe. Racheter une société en s'endettant pour partie, quoi, en effet, de plus normal et de plus courant ? Si les intérêts ne sont plus du tout déductibles, ces rachats seraient soit ajournés, soit réalisés ailleurs.
Cet argument aurait porté auprès des experts de Bercy. Pour autant, les représentants des entreprises n'obtiendront pas le retrait pur et simple de la mesure. Pas question de faire une croix sur la totalité des 4 milliards d'euros attendus par l'Etat, chaque année. C'est donc vers une solution de compromis qu'on se dirigerait. « Il serait possible de plafonner la déduction des intérêts à 60% du total, par exemple » suggère un expert fiscal.

D'autres batailles fiscales en vue
Nul doute que les organisations patronales batailleront contre d'autres dispositifs d'ores et déjà prévus par l'équipe Hollande. Qu'il s'agisse de la taxation forfaitaire des banques (800 millions) ou des différentes mesures de « définanciarisation de l'économie », qui contribueraient à augmenter l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 5,6 milliards d'euros (en plus des 4 milliards du dispositif intérêts d'emprunt), les entreprises vont évidemment tout faire pour réduire leur facture.
Elles ont intérêt à agir en amont, avant que le collectif budgétaire soit présenté au conseil des ministres, et même avant sa transmission au conseil d'Etat le 18 juin. Entre la compétitivité de l'économie et le redressement des comptes publics, François Hollande va être soumis à des arbitrages difficiles.