Industrie : Ayrault met l'accent sur la baisse des coûts salariaux

Par Ivan Best  |   |  624  mots
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Ouvrant la Conférence nationale de l'industrie, le chef du gouvernement annonce une discussion sans tabou sur la compétitivité industrielle. Il met en avant le coût du travail et les modalités de financement de la protection sociale

L'industrie française va mal. Il suffit d'un chiffre pour se convaincre d'un tel constat : la production manufacturière, au mois de mai, se situait 10,2% en dessous de son niveau moyen de l'année 2005 (année de référence pour les calculs de l'Insee). La récession de la fin 2008 et début 2009 n'a absolument pas été effacée par l'industrie, aucun rattrapage sérieux n'ayant eu lieu depuis.
C'est dire l'ampleur du défi auquel a accepté de se confronter Arnaud Montebourg, en devenant ministre du « redressement productif ». Alors que Jean-Marc Ayrault a appelé, ce mercredi, devant la Conférence nationale de l'industrie à un « sursaut collectif » pour faire repartir la machine, le candidat aux primaires socialistes ne veut pas se cantonner au rôle de pompier de l'industrie, tentant de sauver des entreprises en faillite sur tout le territoire. Il veut théoriser le redressement de l'industrie française. Cela passe par une amélioration de la compétitivité. Laquelle ?

Ayrault promet une discussion sans tabou sur le coût du travail
Louis Gallois , commissaire général à l'investissement, a été justement chargé par Jean-Marc Ayrault d'une mission sur la compétitivité des entreprises. Il rendra « mi-octobre » ses conclusions, a annoncé mercredi Matignon. Jean-Marc Ayrault lui demande de formuler des propositions concrètes afin « d'améliorer l'environnement » des entreprises. Planchant sur cette question ce week end, lors des rencontres d'Aix, l'ancien président d'EADS a clairement indiqué quel était le problème numéro un, de son point de vue : celui du coût du travail, et pas seulement sur les bas salaires. Voilà pourquoi il préconisé un choc d'offre prenant la forme d'un transfert de 30 à 50 milliards d'euros de cotisations patronales sur la CSG.
Le choix de confier à Louis Gallois de présenter des propositions, dont on voit bien l'orientation, est donc lourd de sens : cela signifie que le gouvernement croit d'abord à la nécessité de réduire les coûts salariaux.
A preuve : Jean-Marc Ayrault a promis ce mardi, que « l'ensemble des leviers de la compétitivité (seraient) discutés, et cela sans tabou ». « Je pense à la question, souvent évoquée dans l'industrie, du coût du travail et aux modalités de financement de la protection sociale », a enchaîné le premier ministre, sans évoquer explicitement une éventuelle hausse de la CSG. Arnaud Montebourg évoque, lui, un "plan de reconquête", et souligne: "nous n'avancerons pas sur le front de la compétitivité en évitant de prendre à bras le corps la question du financement de la protection sociale" a-t-il déclaré. mais pas question de " remettre en question les niveaux de rémunérations nets des travailleurs". Ce seront donc les retraités et les revenus de l'épargne qui seraient appelés à payer...

Un effet de ciseau entre hausse des coûts et baisse des prix de vente
Une étude de Natixis, publiée mardi, résume l'ampleur du problème en deux chiffres : de 1998 à 2012, le coût salarial unitaire -coût par unité produite- a augmenté de 8%. Dans le même temps, les prix au niveau industriel ont chuté de 8%. Comment faire face à un tel effet de ciseaux ? Cette situation intenable tient « au faible niveau de gamme de la production française » souligne Patrick Artus, auteur de l'étude. Trop orientés vers le moyen de gamme, les industriels français sont incapables d'imposer leurs prix, à la différence de leurs concurrents allemands. Ils se voient donc contraints de les ajuster à la baisse pour répondre à la concurrence des émergents.
Ce décalage entre coûts salariaux et prix de vente a bien sûr provoqué une dégradation de la profitabilité de l'industrie, dont le taux de marge est tombé en 2011 à son plus bas niveau depuis 1985.