Le Sénat renforce la taxe Sarkozy sur les transactions financières

Par Fabien Piliu  |   |  754  mots
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Le Sénat a voté le doublement de la taxe sur les transactions financières. Adoptée par le gouvernement Fillon dans le précédent collectif budgétaire, cette taxe voit son taux passer de 0,1% à 0,2% dans le cadre du budget rectificatif 2012 et devrait rapporter 1,6 milliard l'an prochain.

Ce jeudi, les sénateurs ont voté le doublement de la taxe sur les transactions financières. Votée par le précédent gouvernement dans le précédent collectif budgétaire, cette taxe voit son taux passer de 0,1% à 0,2% dans le cadre du budget rectificatif 2012.

Deux modifications interviennent par rapport au texte voté à l?Assemblée nationale la semaine dernière. Avec avis favorable du gouvernement, par la voix de Benoît Hamon, le ministre délégué chargé de l?Economie solidaire, le Sénat a voté un amendement du groupe communiste qui inclut «les transactions opérées sur les certificats représentatifs d?action» afin de «limiter le risque d'évitement de la taxe». Un amendement du rapporteur du Budget, François Marc (PS) précise en outre que le redevable de la taxe est «le prestataire le plus proche» de l'émission initiale de l?ordre d?achat».

Mécanisme inchangé

En revanche, le mécanisme de cette taxe reste inchangé. Cette taxe frappera les échanges d?actions des sociétés dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d?euros et dont le siège social est en France. Elle entrera en vigueur le 1er août 2012. Le doublement du taux de la taxe apportera un surplus de 170 millions d?euros cette année et de 300 millions en 2013 ce qui portera sa recette totale à 1,6 milliard d?euros en année pleine, selon le projet de loi de Finances rectificative 2012.

Une taxe portée par la gauche, mise en place par la droite

L?histoire française de cette taxe, communément appelé taxe Tobin, est assez déroutante. Evoquée par John Maynard Keynes, imaginée et théorisée par le prix Nobel James Tobin au début des années 1970 pour lutter contre la spéculation financière à court terme, celle-ci visait initialement les marchés des changes.
Portée par la gauche, en particulier par Lionel Jospin, cette taxe élargie à l?ensemble des transactions financières et non plus seulement à celles portant sur les devises, fut finalement mise en place par le gouvernement de Nicolas Sarkozy qui n?a pas réussi à la faire appliquer au niveau européen. Pour ne pas perturber l?activité de la City, nos voisins britanniques s?y sont farouchement opposés.

Cet échec de Nicolas Sarkozy fut d?ailleurs largement commenté à gauche, en particulier par le Parti socialiste. « «Annoncer cette mesure isolément sans que l?Allemagne s?y associe ne pourra que contribuer à affaiblir la France et l?Europe», avait déclaré Jérome Cahuzac, actuellement ministre du Budget.

Rééquilibrer les finances publiques

Aujourd?hui, rigueur oblige, la question de l?isolement européen de la France ne se pose plus. L'austérité étant désormais la règle en Europe, cette taxe pourrait être étendue au niveau européen - neuf pays y sont déjà favorables ? mais pas dans l?immédiat.

La question de son affectation

Dans son rapport d?étape sur la « Taxe européenne sur les transactions financières », Fabienne Keller, la sénatrice UMP du Bas-Rhin, explique que « le principe même d?une directive européenne créant une taxe sur les transactions financières fait d?ores et déjà consensus dans la classe politique française ». « Mais sa mise en oeuvre concrète au niveau européen se heurte à de réels obstacles. Faute de s?accorder sur le principe d?une taxe qui s?appliquerait à l?ensemble des transactions et serait perçue dans l?Etat membre où réside une des parties de la transaction, certains Etats membres ont préféré se tourner vers une coopération renforcée. Que ce soit sous forme d?une taxe sur les rémunérations et les profits, ou sous forme d?un droit de timbre sur le transfert de propriété d?un titre, un mouvement européen est amorcé », poursuit-elle, insistant sur l?affectation de cette taxe.

« Dans un monde globalisé et interdépendant, nous devons maintenir notre engagement contre les menaces globales telles que les pandémies, la pauvreté et les effets du réchauffement climatique. Après avoir été à l?origine d?une crise économique majeure, le secteur financier - par ailleurs premier bénéficiaire de la mondialisation - doit contribuer au financement des politiques de développement à long terme », avance Fabienne Keller. Pour l?instant, cette question n?est pas à l?ordre du jour, ni en France, ni en Europe.