Université d'été du Medef : revivez tous les temps forts

Par Laura Fort  |   |  2188  mots
Pierre Moscovici, Laurence Parisot et Michel Pébereau - Copyright Reuters
Université d'été du Medef - Revivez les temps forts de l'événement avec latribune.fr, à travers les débats et depuis les coulisses

12h40. Jean-Dominique Senard (Michelin) : « Il n'y a pas de fatalité à la désindustrialisation »

C'est au tour de Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, de donner son point de vue sur la place des entreprises dans la construction européenne. « Je crois qu'il va faire preuve d'audace. Il y a aujourd'hui en France un déficit d'image et de connaissance entre l'opinion publique, la sphère politique et la sphère éco. Il existe une sorte de paradoxe : les entreprises se battent pour se développer, et c'est au moment où elles portent le plus de charges sociétales, deviennent de plus en plus des cadres de référence pour ceux qui les rejoignent, c'est à ce moment-là qu'en France les entreprises sont le plus décriées. Il faut s'engager pour faire en sorte que ce désamour se transforme en adhésion. Il va falloir faire acte de pédagogie. Il n'y a pas d'économie prospère sans entreprises. Il va falloir dire que les restructurations étaient nécessaires, mais qu'elles ne l'ont jamais été par plaisir. La question de la compétitivité est permanente. Il va falloir parler ferme. Il va falloir parler du coût du travail en Europe, de stabilité de l'environnement législatif, réglementaire et fiscal. Il n'y a pas de fatalité à la désindustrialisation en Europe et en France. » Il se lance sur le sujet social : « Il faudra aussi parler d'une exception française en Europe qui doit être traitée : le dialogue social. Le moment est venu de passer une étape dans le dialogue social en France. La conjoncture nous amène à comprendre qu'il faut aller de plus en plus vite. Il faut en France que nous revoyions d'urgence toutes les dispositions législatives qui régissent le dialogue social, lorsqu'il y a une adaptation nécessaire. En Allemagne, Michelin a des usines : l'article 9 de la loi fondamentale allemande donne le monopole aux syndicats sur les négociations salariales et instaure une cogestion, qui fait que représentants syndicaux et du personnel prennent des décisions en commun avec les dirigeants. Je rêve que nous nous inspirions de ce modèle. Bien sûr, tout n'est pas consensuel, il y a du décibel dans l'air, mais la meilleure façon d'anticiper les choses c'est celle-ci.
C'est à ces conditions-là que les entreprises françaises trouveront leur place en Europe ».
Le président de Michelin est applaudit chaleureusement pendant plusieurs minutes.

12h15. Benoît Coeuré (BCE) : « L'intégrité de l'euro est menacée »

Emma Bonino, vice-présidente du Sénat italien, s'exprime également sur l'intégration européenne. « Si quelqu'un nous regardait de la lune, il verrait encore la région la plus riche au monde, pas seulement au niveau économique, mais aussi social et démocratique. Mais on se compare encore entre Etats-nations. La politique n'a pas suivi la monnaie unique. Nous avons une monnaie unique mais nous n'avons rien de tout le reste. Le seul système institutionnel qui a fait ses preuves, c'est l'institution fédérale, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne. »

Laurence Parisot passe la main à Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, pour qu'il donne des pistes sur ce qui peut sortir de la prochaine réunion de politique monétaire : «D'abord, la BCE est bien une banque fédérale. Et nous avons une règle à la BCE : moins d'une semaine avant une réunion sur la politique monétaire, on parle de tout sauf de politique monétaire. Par contre, je vais vous parler de l'avenir de l'euro. Nous avons besoin de l'euro et il est indissociable à la construction européenne. Mais ne nous voilons pas la face : l'intégrité de l'euro est menacée. On en voit les signes tous les jours sur les marchés. Nous voyons les signes avancés d'un délitement de la liberté de la circulation des capitaux.

Il ajoute que « Le plus grand risque pour l'euro, c'est le manque de confiance dans l'euro. Les garanties de l'avenir de l'euro, c'est le renforcement des fondements de la monnaie unique, à savoir : la responsabilité budgétaire, c'est-à-dire le retour à l'équilibre des comptes publics, et le fait de jeter les bases progressives de ce qui ressemblera à une union budgétaire. Il faut aussi une union bancaire, dont les bases seront jetées le 12 septembre. C'est un facteur de confiance dans la solidité du secteur bancaire européen. « Faites-moi de bonnes politiques, et je vous ferais de bonnes finances !», disait le baron Louis. C'est un slogan que la BCE pourrait reprendre à son compte. La BCE fera tout son possible pour préserver l'intégrité de l'euro et nous étudierons toutes les voies pour que les liquidités créées par la BCE parviennent aux entreprises et aux ménages ».

11h45. Schröder : « L'Allemagne : homme malade de l'Europe hier, jeune femme en bonne santé aujourd'hui »

La conférence qui clôt l'Université d'été du Medef a pris l'adage « L'Union fait la force » comme leitmotiv. Gerhard Schröder, ancien chancelier allemand, s'avance au pupitre et s'adresse à l'auditoire dans la langue de Goethe. Il évoque d'abord l'amitié franco-allemande, comme un élément indispensable pour résoudre la crise politique et économique européenne. Selon lui, les rivalités entre pays sont le plus grand danger dans la construction européenne. Et la coordination sociale, politique, et économique est primordiale.

Une politique sociale européenne doit aussi être poussée. Il déclare : « L'Allemagne était l'homme malade de l'Europe, c'est aujourd'hui une jeune femme en bonne santé », et développent les points forts économiques et industriels de son pays.  Il ajoute ensuite sur la crise grecque : « Les réformes en Grèce sont nécessaires, mais le pays doit avoir un peu plus de temps pour les réaliser. » Il conclut : « Nous avons vraiment besoin d'une union européenne fédérale. L'Euro doit avoir une chance mais doit bénéficier d'une plus grande intégration. »

10h30 Arnaud Montebourg : « Nous préférons l'entrepreneur au spéculateur »

Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, prend maintenant le micro. « Je ne m'attendais pas à trouver une salle couverte de pulls roses ! Le redressement productif ne peut pas réussir sans une certaine forme d'unité autour d'un objectif national. On ne peut pas réussir sans se parler. Redressement productif : cette expression est une inspiration de l'après grande crise aux Etats-Unis. Chacun a compris que la France a pris de sérieux coups durs sur le plan industriel. Et un pays qui ne produit plus, ou de moins en moins, est dans la main d'autres pays qui produisent.

Mon ministère est celui du patriotisme économique : tous les pays qui ont réuni grands groupes, petites entreprises, politiques, ont réussi à réconcilier les forces. Les modèles qui sont sortis renforcés de la crise sont ceux où l'Etat arrive à fédérer autour de choix politiques ».

Il poursuit : « Nous préférons l'entrepreneur au spéculateur. Nous avons besoin que les financiers soient au service des entrepreneurs, pas qu'ils les dominent. J'ai dit au président de la République que ce mandat me soit confié pour cinq années parce que j'ai besoin de cinq années pour obtenir des résultats. Pierre après pierre, il faut reconstruire l'économie française là où elle est faible, et nous allons pousser et booster l'économie française là où elle est forte. Les objectifs sont simples : que dans cinq ans nous ayons un commerce extérieur à peu près à l'équilibre, que l'emploi industriel soit positif. Nous avons besoin pour ça d'audace, d'esprit d'entreprise, d'innovation, de prise de risque. Un pays qui a peur est un pays qui se meurt. Comment alors soutenir la compétition économique, ne serait-ce que dans l'Union européenne ? A travers plusieurs facteurs : un prix bas de l'énergie, la rémunération du capital et le coût du travail et de la protection sociale. Nos brevets sont un trésor, mais il est enfermé, presque caché. Nous souhaitons mettre à la disposition des PME l'ensemble des découvertes et des innovations, et faire en sorte que la puissance publique mette ses atouts au service de la production. Il faut faire en sorte qu'on passe de la découverte à la production ».

Pierre Bellon, président de Sodexo, a un message personnel à adresser au ministre : « Je sais qu'il ne faut pas parler après un ministre, mais je me fous des conventions. En tant que chefs d'entreprise, nous avons beaucoup apprécié votre interview dans Les Echos sur l'esprit d'entreprise. Mais dans cette même interview, vous nous expliquez comment nous devons diriger notre entreprise. On en a ras-le-bol de s'entendre dire ce que nous devons faire avec nos actionnaires, avec notre personnel, avec nos syndicats et avec les consommateurs ! »

10h15. Guillaume Sarkozy: « Il faut réinventer la protection sociale »

Guillaume Sarkozy, directeur générale de Malakoff Médéric, s'attelle à définir ce qu'est une entreprise exemplaire : « Comment faire accepter à la société française les ressorts de la rentabilité ? L'entreprise est couverte d'obligations de moyens, doublées d'obligations de résultats. Il faut des politiques sur l'égalité hommes-femmes, sur le handicap, sur les minorités visibles, l'entreprise n'y arrive pas. Il faut qu'elle ait le choix.

Mais la question du bien-être des salariés est un vrai ressort de productivité. La réglementation fiscale sur les fondations est très favorable : il y a 60% de déductibilité fiscale pour faire le bien. Nous allons créer un dividende solidaire. Je vais distribuer une partie de nos résultats à des fondations pour montrer à la société que l'entreprise sert à quelque chose. Il faut aussi réinventer la protection sociale et la frontière entre le collectif et l'individuel. Nos entreprises et nos salariés sont étouffés par le côté collectif. Il faut sacraliser la retraite par répartition, mais il faut aussi reconnaître le côté individuel, le droit individuel à la protection sociale. Et ça permettrait aussi de régler le problème de la transférabilité des droits. »

9h10. NKM : "Quand il n'y a pas de marges, il n'y a pas d'investissements et pas d'innovation"

La dernière journée de l'Université d'été du Medef s'ouvre sur une conférence qui réunit politiques et industriels autour du sujet suivant : «L'entrepreneur face aux dérives de l'exception française».

La parole est d'abord donnée à Pierre Bellon, président de Sodexo, qui s'exprime sur les dérives de l'exception française : « Tout le monde le dit. La France doit réduire ses dépenses. A quoi sont-elles dues ? Au fait que l'Etat intervient partout, que nous avons beaucoup trop de fonctionnaires, et au millefeuille des échelons territoriaux. » Il ajoute : « Il y a l'inflation législative et l'inflation des règlements : chaque parlementaire veut attacher son nom à une loi et on arrive aux 2300 pages du code du travail... Le principe de précaution est aussi la plus grande irresponsabilité du pays. » Au sujet de l'entreprise, il déclare : « Les marges des entreprises baissent. Il y a un double phénomène : la baisse des prix des biens industriels et l'équipement des ménages. Quand on a deux voitures, un réfrigérateur et une machine à laver, on n'en a pas besoin de plus. Mais la chance de la France, ce sont ses entrepreneurs. Et nous sommes les champions d'Europe de la création d'entreprises. »

L'ancienne ministre Nathalie Kosciusko-Morizet prend à son tour la parole : « le mot exception est ambigu, car on a quand même des mauvais côtés dans notre exception. Alors comment peut-on être différent en mieux ? Le statut d'auto-entrepreneur était par exemple un signe envoyé à la génération Y. Je suis sûre qu'il y a une exception française : créer des faux débats sur les contraintes qui pèsent sur l'entreprise. Il y a ceux qui disent que le problème, c'est le coût du travail en France et d'autres, que le problème, c'est l'innovation. Mais c'est typiquement un faux débat. Qu'est-ce qu'on investit dans l'innovation ? On investit ses marges. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les marges diminuent. Quand il n'y a pas de marges, il n'y a pas d'investissements et pas d'innovation. Les industries allemandes, cela fait des années qu'elles réinvestissent leurs marges dans l'innovation, la qualité, le produit, donc elles se portent mieux. Mais nous refusons d'en parler, parce que derrière la marge il y a l'idée de profit. Il faut mettre un peu moins d'idéologie et un peu plus d'efficacité ».
Elle conclut par une proposition : « La surtaxe ISF pourrait être investie dans les PME ».

Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, refuse de lui répondre tout de suite sur le sujet et préfère attendre la fin de toutes les interventions pour s'exprimer, et se fait huer par la salle.

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