Bernard Arnault veut devenir belge : en rire ou en pleurer ?

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  612  mots
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Le PDG de LVMH, qui a transmis à l'administration belge une demande naturalisation, a démenti vouloir ainsi s'exiler fiscalement. Alors pourquoi a-t-il pris une telle décision dont il savait qu'elle aurait un écho considérable?

Bernard Arnault voudrait donc devenir belge. Il y a deux façons de réagir à cette nouvelle, il faut le dire, un rien stupéfiante : s'esclaffer en se demandant si l'homme le plus riche de France, quatrième fortune mondiale, n'a pas soudain perdu la tête. Et puis on se raisonne : non, ce n'est tout simplement pas possible. Un chef d'entreprise d'une telle envergure, qui a créé en moins de trente ans l'un des plus beaux fleurons de l'industrie tricolore, sait se maitriser. Mais voilà : il a officiellement démenti vouloir obtenir la double nationalité pour des raisons fiscales personnelles. Soyons sérieux : pourquoi le fait-il alors ? Avec tout le respect que l'on doit porter à nos amis belges, à leur patrimoine culturel que Bernard Arnault ne doit pas manquer d'apprécier, on n'imagine pas que cela suffise à motiver une telle décision.
Alors ?
Passons rapidement sur la pulsion, la compulsion personnelle qui poussent un homme à « passer de l'autre coté », si l'on ose dire. Certes Bernard Arnault a la sensibilité politique à fleur de peau (il avait quitté la France pour les Etats-Unis après l'élection de François Mitterrand en 1981), mais il n'est pas (plus) non plus du genre à mésestimer, compte tenu de la position qu'il occupe, le fait que son geste aura un écho considérable.

Bernard Arnault, héraut du front anti « chasse aux riches »?
Le strict intérêt financier ? On a envie de se pincer. Les chefs d'entreprises qui ont innové, bâti, crée de la valeur et ne veulent pas se sentir floués ou découragés de continuer à le faire si le fisc se fait trop menaçant, sont audibles. La plainte peut-être légitime, en tout état de cause le débat l'est. Dans le cas de Bernard Arnault, on sort largement du cadre. Ou alors on revient à la case pathologique précédemment invoquée. Explication qu'il ne faut d'ailleurs pas totalement écarter, puisque certaines informations tendent à valider l'idée que le PDG de LVMH ne viserait pas le simple et rapide exil fiscal, d'ailleurs pas directement lié à l'obtention de la nationalité belge, mais la protection de son patrimoine en des lieux paisibles à plus long terme.

Ce « coup » risque bien d'être en l'espèce contre-productif

Le service commandé ? En d'autres termes, Bernard Arnault se poserait en héraut du front anti « chasse aux riches » que François Hollande aurait lancée. On sait qu'il est allé récemment rendre visite à Jean-Marc Ayrault pour évoquer, entre autres, le fameux impôt à 75% (on espère qu'il ne s'agissait pas uniquement de défendre son simple cas personnel). Démarche qui a rencontré quelque succès, semble-t-il, puisque le périmètre de cette taxe, désormais, provisoire ne cesse de se réduire au fil des arbitrages opérés dans le cadre de la préparation du budget. Mais ce « coup » risque bien d'être en l'espèce contre-productif. Simplement parce que Bernard Arnault incarne bien davantage le club du CAC 40 qui, a tort ou à raison n'a pas bonne image, que celui des créateurs d'entreprises que la France ne doit pas décourager. Et son geste ne va faire que détériorer encore la relation difficile qu'entretient la France avec « ses » riches. Surtout au moment où les partenaires sociaux vont tenter de redéfinir les contours d'un nouveau contrat de travail donc,  d'une certain façon, un morceau du contrat social français
Disons-le, cette demande transmise à l'administration bruxelloise la semaine dernière est une faute. Bernard Arnault est Bernard Arnault et à ce titre porte une responsabilité qui dépasse largement celle de ses propres intérêts.