Rigueur : Hollande dans les traces de Delors ?

Par Ivan Best  |   |  651  mots
Copyright Reuters
François Hollande, qui a commencé sa carrière politique en accompagnant Jacques Delors, semble marcher dans les traces de son mentor : comme Delors en 1983, il assume la rigueur, jusqu'à passer outre ses conséquences économiques.

L'année 1983 avait pu être qualifiée, du point de vue de la conjoncture, d'année de la « récession Delors ». En mettant en ?uvre la rigueur, terme employé pour la première fois, Jacques Delors, sous l'autorité de Pierre Mauroy et François Mitterrand, avait organisé la chute de l'activité économique. François Hollande, qui a commencé sa carrière politique en soutenant Jacques Delors (il était président des clubs deloristes Témoin), et qui ajoute des hausses d'impôts aux hausses d'impôts, ne s'inscrit-il pas dans la lignée de l'ancien ministre des Finances? Après la récession Delors, la récession Hollande?

Delors avait fait chuter le pouvoir d'achat
En 1983, le PIB avait encore augmenté (+1,2%) , mais à l'époque, ce chiffre dont se contenterait aujourd'hui le gouvernement Ayrault, était vu comme dramatiquement faible. On qualifie les années 1970 d'années de crise... à voir les statistiques de croissance (proche de 4% en moyenne de 1976 à 1979), il y a de quoi relativiser. Mais, surtout, les Français ont alors ressenti les effets de la politique économique. Leurs revenus ont commencé à baisser en 1983. En 1984, ils ont chuté comme jamais (-2,4% de pouvoir d'achat par ménage, un chiffre jamais enregistré avant ni depuis par l'Insee, qui a établi des statistiques à partir de 1950). Un recul directement lié à la politique assumée et conduite par Jacques Delors de désindexation des salaires, de dévaluation (synonyme de baisse du pouvoir d'achat extérieur) et de prélèvements fiscaux exceptionnels.

Le redressement sous la pression de l'extérieur
Bien sûr, près de trente ans ont passé. Les moyens de la politique économique ont radicalement changé. La politique salariale n'existe quasiment plus. Par définition, les traditionnelles dévaluations ont disparu avec l'instauration de l'euro.
Mais l'idée du redressement sous la pression de l'extérieur est toujours bien présente. En mars 1983, c'est le spectre de la mise sous tutelle de la France par le FMI qui effrayait la classe politique.
Aujourd'hui, si François Hollande tient à l'objectif de 3% de déficit public en 2013, un objectif considéré comme dangereux par de nombreux économistes, c'est bien parce que l'annonce d'un report de cet engagement déclencherait une véritable crise avec nos « amis » allemands.

30 milliards d'euros d'impôts en plus,  du jamais vu
Or, aucun économiste sérieux ne peut prétendre que les 30 milliards d'euros ou presque d'impôts supplémentaires qui frapperont les acteurs économiques en 2013 n'auront pas d'impact négatif, sur l'activité. Le seul argument des experts favorables à cette politique est que son abandon provoquerait une crise européenne encore pire (sanctions des marchés).
30 milliards, car, pour comparer le niveau des prélèvements de 2013 à celui de 2012, il faut ajouter aux 20 milliards d'impôts nouveaux annoncés par François Hollande les 6 milliards de recettes supplémentaires que procureront les hausses de prélèvements votées en juillet, et la montée en puissance des décisions prises par Nicolas Sarkozy.

Par rapport à ce qui était esquissé en juillet (15 milliards d'impôts en plus en 2013), François Hollande a donc ajouté renforcé d'un tiers la potion amère.
30 milliards, c'est 1,5 fois le fameux plan Juppé de 1995 (y compris en tenant compte de la hausses des prix). Un Alain Juppé dont François Hollande avait pu dire qu'il « incarnait physiquement l'impôt ». En outre, quand l'ex-président de l'UMP avait imposé ses hausses d'impôts en rafale, à la mi-1995, l'économie française était en situation de croissance - certes faible - et non en stagnation. Les prélèvements massifs dont François Hollande a fait l'annonce dimanche sont donc encore plus mal venus...
Comme Jacques Delors voulait combattre l'inflation, François Hollande, s'estime « en situation de combat », contre le déficit public, d'abord. Jusqu'au moment où il percevra que le remède de cheval infligé à l'économie française l'enfonce plus qu'il ne la redresse.