Medef, les raisons de la colère

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  729  mots
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Le Medef de Laurence Parisot se retrouve en pointe sur tous les dossiers fiscaux et sociaux ouverts par le gouvernement. Tentative de décryptage d'une attitude qui tient autant à des raisons politiques, culturelles que.. corporatistes.

Existence d'un "racisme anti-entreprise", "extrême gravité de la situation", "urgence à agir", "choc de compétitivité indispensable et rapide", "non à l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail"... Laurence Parisot fait feu de tout bois contre le gouvernement. La présidente du Medef est sur tous les fronts: menant l'offensive contre quasiment tous les projets gouvernementaux, notamment fiscaux et avançant ses pions sur les questions sociales en prônant davantage de flexibilité. On ne voit plus qu'elle, on entend plus qu'elle.... Décryptage des trois raisons de sa colère.

1/ Quand l'histoire radote

Le Medef, seule force organisée contre un gouvernement de gauche arrivant au pouvoir. On a déjà connu ça à l'automne 1997 quand, à l'issue d'une dissolution (ratée) décidée par Jacques Chirac, le premier secrétaire du PS, Lionel Jospin, est nommé premier ministre après la victoire de la gauche aux législatives. Jean Gandois démissionne de la tête du CNPF. Ernest-Antoine Seillière lui succède et transforme le CNPF en Medef. Il nomme vice-président délégué, Denis Kessler. Le duo deviendra infernal pour la nouvelle majorité, n'ayant de cesse de mener la guérilla, notamment sur la loi des 35 heures. Il faut dire qu'à l'époque, la droite était dans les choux, sonnée par la défaite aux législatives et davantage occupée à panser les plaies entre chiraquiens et balladuriens, plutôt qu'à porter la contradiction face à la gauche. Quinze ans plus tard, l'histoire se répète... Et cela n'a pas échappé à Laurence Parisot. L'UMP est obnubilée par sa bataille interne pour la présidence entre François Fillon et Jean-François Copé et sa voix ne porte pas. La nature ayant horreur du vide, le Medef occupe le terrain. C'est lui le véritable parti d'opposition. 

2/ Les guéguerres patronales

Laurence Parisot a du nez. Bien que les PME et ETI occupent une place importante dans les préoccupations du Medef, comme le prouve le contenu de la "bible programmatique" du Medef "Besoin d'aire", la principale organisation patronale s'est laissée enfermer dans le rôle de "défenseur du CAC 40". De fait, avec l'Association française des entreprises privées (Afep), on l'a vu très en pointe sur les problèmes de rémunérations des dirigeants, de la fiscalité des stocks options, etc. Loin, très loin, du "vécu" de milliers d'entrepreneurs de terrain. La CGPME de Jean-François Roubaud s'est ruée dans la brèche et a incontestablement marqué des points ces dernières années. Avec l'épisode des "Pigeons", Laurence Parisot a senti une occasion de se refaire une santé auprès des "petits" chefs d'entreprise, notamment ceux des start-up de l'économie digitale... pour qui le Medef n'existait pas, ou à peine. D'où l'implication du Medef dans le mouvement. Laurence Parisot est ainsi très fière d'être parvenue à fédérer plus de vingt associations patronales autour du communiqué "Entrepreneuriat et compétitivité état d'alerte", dénonçant l'aggravation de la taxation sur les plus values de cession en cas de vente des entreprises... D'autant plus que la CGPME a refusé de signer ce texte qu'elle juge trop radical.

3/ L'entrepreneur français est différent de l'entrepreneur allemand

Cette question de la taxation sur les plus values de cession, sans entrer dans le débat de fond, illustre à merveille l'une des différences culturelles fondamentales entre les chefs d'entreprise français et leurs homologues d'outre-Rhin. Là aussi, Laurence Parisot joue sur du velours. Plusieurs économistes, dont Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, soulignent que l'attachement des patrons allemands à leur entreprise fait contraste avec une culture française nettement plus "court-termiste". En d'autres termes, en Allemagne, le seul objectif est de développer la PME familiale ou créée ex-nihilo, dont, sauf circonstances exceptionnelles, on n'imagine pas qu'elle puisse être vendue. A l'inverse, en France, un certain nombre de chefs d'entreprise, une fois celle-ci fortement valorisée -on l'a parfois vu dans la net économie avec les ventes records de certains sites- ne souhaite qu'à la céder... au plus offrant. D'où l'importance prise dans l'Hexagone par la question de la taxation sur les plus-values de cession. Dans certains cas, l'entreprise, vendue, ne grandira plus... Ainsi, seulement 7,9% des entreprises françaises comptent plus de 250 salariés, contre 10,7% en Allemagne.