François Hollande, entre grande réforme fiscale et réformette

Par Ivan Best  |   |  718  mots
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Les concessions gouvernementales aux Pigeons conduisent à remettre en cause la politique d'alignement de la taxation du capital sur celle du travail, et donc la réforme fiscale. La mise en œuvre de ce principe devait apporter 4,5 milliards d'euros à l'État. Ce sera 650 millions

C'est François Hollande qui s'exprimait ainsi, à Périgueux, en octobre 2010: «notre système de prélèvements est devenu illisible; nul ne sait qui paye l'impôt; les taux apparents ne sont plus les taux réels; qui peut comprendre quoi que soit à la fiscalité locale, au dispositif des exonérations de cotisations sociales ou encore au mécanisme de la fiscalité écologique?»
Et le candidat qu'il était alors d'appeler à une grande réforme: «La réforme fiscale est un préalable. Elle donne la transparence, la clarté, la progressivité indispensable pour convaincre nos concitoyens de consentir à une contribution. La réforme fiscale a une double vocation: redistribuer justement et financer efficacement», ajoutait François Hollande. Spécialiste de longue date de ces questions, il avait fait du thème de la fiscalité un des principaux axes de sa pré-campagne. Et c'est sa proposition d'un impôt à 75% au delà d'un million d'euros de revenus qui a le plus marqué les derniers mois de l'avant scrutin présidentiel. Il ne s'agira finalement que d'une contribution temporaire, ne visant que les revenus du travail... alors que les hauts revenus sont avant tout constitués de gains en capital.

Des couches de complexité

Que reste-t-il des ambitions du candidat PS, alors que se dénoue le débat parlementaire sur la fiscalité, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013? Thomas Piketty, un économiste de gauche spécialiste des questions fiscales, a priori favorable à la nouvelle majorité, apporte dans une interview au Monde une réponse tranchée à cette question: «le gouvernement ajoute des couches de complexité sur un système qui en comporte déjà trop». Comment contester cette affirmation?

Une usine à gaz pour pigeons
L'idée d'aligner la fiscalité du capital sur celle du travail constituait le coeur de la réforme fiscale selon Hollande. Objectifs: justice (aucune raison que les revenus du patrimoine soient moins imposés) et simplicité. Contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, l'amendement «Pigeons», destiné à répondre à la grogne des chefs d'entreprise, n'est pas une exception à ce principe d'une fiscalité unique, au barème, pour tous les revenus. Il remet en cause ces objectifs.

Il conduit en effet à créer une nouvelle usine à gaz. Le candidat Hollande fustigeait une fiscalité avec des «taux apparents ne sont plus les taux rééls», le manque de transparence. Finalement, le gouvernement sort de son chapeau un amendement prévoyant une série d'abattements, plus ou moins importants, selon la durée des détention des actions, des exceptions pour ceux qui possèdent 10% du capital de l'entreprise qu'ils cèdent, et y ont exercé une activité pendant cinq ans, d'autres exonérations en cas de réinvestissement....

Impact limité de la taxation des dividendes
Pour le reste, la taxation au barème n'aura qu'un impact limité. C'est le cas, s'agissant de l'imposition des dividendes, puisqu'est maintenu l'abattement de 40% sur leur valeur: beaucoup de contribuables choisissaient déjà l'imposition au barème, pour bénéficier de cet abattement. Il y aura bien hausse d'impôt en ce qui les concerne, mais elle sera limitée à 10,2%. La véritable évolution concernera la taxation des produits de placement à revenu fixe (intérêts). Mais, là aussi, des exceptions sont prévues. En dessous de 2000 euros, les intérêts continueront de bénéficier de prélèvement forfaitaire de 24%.
Du coup, le gouvernement n'attend même pas un gain de cette imposition au barème des intérêts. Compte tenu du fait que certains optaient à tort pour ce prélèvement forfaitaire, moins avantageux pour eux que le barème, la taxation des revenus fixes au barème va donc entraîner une... perte de recettes de 100 millions d'euros, selon le rapport de la commission des finances sur le budget 2013.
Quant à l'imposition des dividendes, elle ne rapportera que 500 millions d'euros en régime de croisière. Si l'on ajoute 250 millions liés à la taxation plus forte des plus-values (contre un milliard prévu initialement, soit une diminution de 75% de la recette escomptée, liée aux concessions faites aux «Pigeons»), ce sont au total 650 millions d'euros que rapportera à l'Etat la réforme de l'impôt, s'agissant des revenus du patrimoine. Le projet de François Hollande prévoyait une recette de 4,5 milliards d'euros à ce titre...