Et s'il fallait miser sur le design in France plutôt que sur le made in France ?

Par Fabien Piliu  |   |  895  mots
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Selon une récente étude, la France dispose d'un capital immatériel de tout premier plan au niveau mondial. Sa capacité à innover, à inventer, sa créativité sont unanimement reconnues.

Réalisée auprès de1.000 « leaders économiques et leaders d'opinion internationaux », l'étude Nation Goodwill Observer réalisée par Havas Design+, le cabinet Ernst & Young, HEC et Cap, société de conseil spécialisée dans la stratégie fait un peu de bien. Alors que nos partenaires allemand et britannique s'adonnent actuellement au « french bashing », cette étude classe la France au septième rang mondial si l'on prend en compte la stabilité de son système, ses performances économiques, sa capacité d'innovation, sa créativité culturelle et artistique, la qualité de vie et son environnement.
En revanche, elle se classe à la dix-neuvième place, devançant tout juste l'Italie et l'Espagne, lorsque l'on demande aux leaders de juger sa capacité à trouver sa place dans la compétition mondiale.

La France en tête d'un classement international !

Principal motif de satisfaction, elle est tête du classement pour sa créativité culturelle et artistique ! Les résultats de cette étude peuvent-ils influencer, voire modifier la politique économique du gouvernement engagé dans une course effrénée à la compétitivité ? Ce serait peut-être une bonne chose, probablement. S'il n'est évidemment pas question de sacrifier l'industrie qui emploie toujours 3,5 millions de personnes dans l'Hexagone, le développement et la valorisation de ce capital immatériel paraît judicieux.

Le design est peu considéré en France

Ce n'est pas gagné. En France, on dénombrait entre 11.000 et 13.000 designers selon une l'étude de l'APCI datée de 2002 intitulée « l'offre de design en France » (2002) citée par le ministère de l'industrie en 2007. Comme le résume le rapport Jouyet-Levy sur l'économie de l'immatériel publié en 2006, les activités créatives sont peu considérées en France. « L'ensemble des interlocuteurs, quel que soit leur profil, partage le constat selon lequel la France ne semble pas culturellement porteuse d'une « pensée design. Tous s'accordent à dire que la culture française a plus tendance à valoriser une approche technique et technologique, d'ingénieur, qu'une approche de designer. L'absence d'une traduction en français de ce terme - alors que des équivalents existent en espagnol ou en italien par exemple - en témoigne selon certains des interlocuteurs rencontrés », précise le rapport.

« En outre, l'approche française apparaît structurellement fortement cloisonnée, entre art et industrie, entre marketing et recherche et développement, alors même que le design se situe justement à l'articulation de ces différentes dimensions. L'existence d'écoles spécifiquement dédiées au design en France, alors que les enseignements en design sont prodigués dans un grand nombre de pays dans le cadre d'universités d'art ou polytechniques, apparaît symptomatique à certaines des personnes interrogées », poursuit le document.

Une des clés du succès allemand à l'export

Pourtant, le fameux « Designed in US » ne participe-il pas au succès d'Apple qui confie la fabrication de ses appareils à des sous-traitants essentiellement asiatiques ? Plus proche de nous, le succès de l'industrie allemande à l'export ne repose-t-il pas sur la capacité de ses entreprises à délocaliser une partie de leur production industrielle dans son Hinterland essentiellement constitué des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) pour ne conserver sur le territoire national que les activités d'assemblage final, de recherche et développement, de marketing et donc de design ?

« Le succès du Mittlestand est 'inséparable' d'une recherche constante de qualité, symbolisée par la figure de l'artisan et de l'ingénieur qui ?uvrent constamment pour atteindre la perfection du banal. Plus que la recherche d'une innovation de rupture qui fera date, l'accent est mis dans les entreprises allemandes sur une innovation incrémentale plus modeste, le plus souvent innovation de process, qui renforce la qualité du produit ou du service et auquel participe le design », expliquait Guy Selbherr, le directeur de la société de participations pour le Mittlestand du Bade Wurtemberg lors de la présentation du rapport de la Documentation française intitulé « Pour un nouveau regard sur le Mittlestand ».

Un symbole, le Bauhaus

Selon une étude de la Commission allemande auprès de l'UNESCO publiée en février 2007 sur les « industries culturelles et créatives en Allemagne » « le poids des milliers de fourmis du design devient sensiblement le même que celui des quelques éléphants du secteur de l'énergie ». Dans ce secteur, 40.000 entreprises de design sont recensées en Allemagne qui possède, faut-il le rappeler, une grande culture industrielle et une histoire emblématique, aux sources du design avec le Deutscher Werkbund qui a fêté son centenaire en 2007et surtout le Bauhaus.

Outre-Rhin, cette culture se diffuse depuis, porté par un engagement politique fort au plus haut niveau des institutions fédérales et régionales et des villes, une multiplication des débats et des étudessur le sujet, une programmation annuelle importante de travaux statistiques, un réseau d'organismes de promotion du design au niveau fédéral et régional assurant la promotion du secteur sous toutes ses formes, auprès des pouvoirs publics, privés et du grand public.

A ces éléments s'ajoutent de nombreux organismes de défense de la profession, l'organisation chaque année de plus d'une centaine de foires et salons internationaux ainsi que l'attribution de prix internationaux du design, nombreux et prestigieux comme le prix du design Red Dot accordé depuis 1955.