Faut-il interdire la stratégie de groupe en France ?

Par Fabien Piliu  |   |  950  mots
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Dévoilé par La Tribune, un texte signé par des parlementaires et des reponsables économiques de l'Hérault porte un proposition de loi visant à protéger les TPE et PME en cas de rachat par un grand groupe. Celle-ci est présenté ce vendredi. Selon les signataires de ce texte, le code des sociétés serait bien plus protecteur pour les PME en Allemagne. Plutôt que de se comporter en prédateur, les grands groupes allemands préfèreraient favoriser le développement des PME qu'elles contrôlent.

Pour favoriser le développement des PME et l'émergence de nouvelles entreprises de taille intermédiaires (ETI) assez puissantes pour embaucher, exporter et innover, les gouvernements successifs multiplient les initiatives, notamment dans le domaine de la fiscalité. De nouvelles structures ont également été crées. Citons OSEO et sa déclinaison, OSEO Industrie, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) ou encore la petite dernière, la Banque publique d'investissement (BPI), entre autres (super)structures de soutien public aux entreprises.

Et s'il suffisait de légiférer intelligemment en imitant, une fois n'est pas coutume, nos voisins allemands ? Actuellement, des parlementaires et des reponsables économiques de l'Hérault portent une proposition de loi visant à protéger les TPE et PME françaises en cas de rachat par un grand groupe. Celle-ci sera présenté à la presse ce vendredi.

Les grands groupes, les prédateurs des PME

Dans une tribune* qui présente cette initiative, et que La Tribune dévoile en exclusivité, les parlementaires souhaitent attirer l'attention des pouvoirs législatif et exécutif sur cette question essentielle. « En cette période difficile, il est absolument indispensable de faciliter la croissance de nos PME en attirant les capitaux des grands groupes, mais sans freiner les dynamiques locales au profit des stratégies internationales, notamment de délocalisation. Loin de les opposer les unes aux autres, il convient de rappeler que les relations entre PME et grandes entreprises sont "naturelles", notamment lorsqu'une PME a acquis un savoir-faire ou une technologie dans un domaine en forte croissance et à forte intensité capitalistique, justifiant un besoin en capitaux dont elle ne dispose pas. Elle a alors besoin de lever des fonds et dans de nombreux cas les fondateurs perdent le contrôle de la société en devenant minoritaires », précise ce texte.

Il vaut mieux être une PME allemande

Dès lors, l'avenir de la PME ne sera pas le même selon qu'elle est française ou allemande. Pour quelles raisons ? Les grands groupes seraient plus vertueux que leurs homologues français ? « C'est une absurdité ! Le capitalisme n'est pas plus vertueux d'un pays à une autre », estime Jean-Michel Germa, le fondateur de La Compagnie du Vent, une PME spécialisée dans l'éolien qui a périclité après son rachat en 2007 par GDF-Suez. « La différence entre la France et l'Allemagne réside dans le fait qu'outre-Rhin, les PME sont protégées de toute décision prédatrice prise par les grands groupes industriels avec lesquels elles sont amenées à engager des relations capitalistiques », poursuit le chef d'entreprise. De fait, le code allemand des sociétés prévoit en effet que si un groupe prend, dans son seul intérêt, des décisions préjudiciables aux intérêts d'une société qu'il contrôle, il doit alors compenser directement les actionnaires minoritaires lésés par cette décision. En outre, ce « dédommagement » doit être réalisé avant que le grand groupe ne « pille » son petit partenaire.

La raison du plus fort n'est pas la meilleure outre-Rhin

Dans ce contexte, les grands groupes préfèrent accompagner les PME qu'ils contrôlent dans leur développement. C'est en partie pour cette raison que le tissu économique allemand compte plus de 12.000 entreprises de taille intermédiaire quand la France en affiche 4.600 à peine. Remis en 2010 à François Fillon, le rapport du sénateur de Vendée Bruno Retailleau intitulé « « Les entreprises de taille intermédiaire au coeur d'une nouvelle dynamique de croissance », est également éclairant sur ce point. « Les grandes entreprises veillent à ne pas laisser prospérer des entreprises suffisamment fortes pour leur faire concurrence. Ainsi, le processus d'absorption par des groupes est intense : moins de 5 % des entreprises de plus de 500 personnes seraient indépendantes », constate-t-il.

La politique de groupe, le mal français

« Nos grandes entreprises, libres de privilégier une stratégie optimisant le rendement financier de leurs capitaux à court terme, sans tenir compte des contraintes sociales et régionales, appliquent ce qu'elles appellent une 'politique de groupe' conduisant à transférer le savoir-faire de la PME qu'elles contrôlent, voire certains de ses actifs, à commencer par ses compétences humaines,, vers des filiales qu'elles détiennent à 100% et/ou à en freiner le développement au profit de ces mêmes filiales. Ne disposant plus de tout son savoir-faire, n'ayant plus de projets à venir, la PME devient déficitaire et est alors 'restructurée' par l'actionnaire majoritaire. Licenciements et mobilité intra-groupe finissent par vider définitivement la PME qui sera absorbée ou végétera quelques années avant de disparaître », explique cette tribune.

Au regard de ces éléments, la transposition du texte allemand ou de ses principes en France est-elle possible ? Les parlementaires osent l'espérer. Le texte a été transmis à Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif en août. Les responsables politiques et économiques à l'origine de cette initiative n'ont pas encore eu de retour... Quant aux organisations patronales, elles semblent plutôt réservées. Et si le changement c'était maintenant ?

*Les signaires de cette tribune sont Marie-Thérèse Bruguière, sénateur de l'Hérault (UMP), Fanny Dombre-Coste, député de l'Hérault, (PS), Christian Assaf, député de l'Hérault (PS), Anne Yvonne Le Dain, député de l'Hérault, (PS), Frédéric Roig, député de l'Hérault (PS), Jean-Louis Roumégas, député de l'Hérault (EELV), Patrick Vignal, député de l'Hérault (PS), André Deljarry, président de la CCI de Montpellier, Stéphanie Andrieu, directrice générale d'Urbasolar et membre élue de la CCI de Montpellier et Jean-Michel Germa, le fondateur de La Compagnie du Vent et président de Soper.