"Le vrai problème de la fraude fiscale concerne les multinationales qui paient des impôts nulle part"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  495  mots
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François Hollande a présenté ce 10 avril plusieurs mesures afin de lutter contre le fraude fiscale: création d'un Parquet financier à compétence nationale; publication annuelle des pays considérés comme des paradis fiscaux; obligation pour les banques françaises de publier la listes de leurs filiales à l'étranger avec la nature de leur activité. Daniel Guiroy, avocat au barreau de Paris et spécialiste de la fiscalité française et internationale donne son avis sur ces mesures.

Les mesures annoncées par François Hollande sont-elles efficaces pour lutter contre la fraude fiscale ?

Daniel Guiroy- La France a déjà un arsenal de lutte très développé et, une fois encore, on ne parle que de la fraude personnelle et non pas de celle des entreprises. Quant à la création d'un Parquet financier à vocation nationale, pourquoi pas. Mais cela nécessitera de nouveaux magistrats spécialisés. Or, actuellement, il manque déjà des magistrats dans les sections financières spécialisées des parquets de Paris, Marseille, Lyon et Bastia.

Et s'agissant des paradis fiscaux ?

C'est la même chose, des outils existent déjà. Ainsi, il y a des conventions fiscales, notamment au sein des pays membres de l'OCDE, qui permettent de demander l'assistance d'autres pays pour connaître les revenus et le patrimoine des français placés à l'étranger. Simplement, il faut que tout le monde joue le jeu. Or, des pays ne nous renseignent pas assez. La France est quasiment le seul pays à avoir cette volonté de transparence. Mais comme il y a une compétition fiscale en Europe, cela nuit à la lutte contre la fraude. En outre, la France a commis une erreur en n'adhérant pas aux accords fiscaux, dits Rubik, avec la Suisse, comme l'ont fait l'Autriche, la Grande Bretagne et l'Allemagne. Ces accords prévoient une imposition à la source des placement étrangers en Suisse, tout en préservant l'anonymat bancaire, et une partie de ces sommes est reversée aux pays dont est originaire le titulaire. Si la France avait adhéré, elle aurait pu récupérer entre 500 et 800 millions d'euros.

Pourquoi un tel refus ?

A l'époque, Nicolas Sarkozy était président et, aux accords Rubik, il préférait une disposition type Fatca [Foreign Account Tax Compilance Act] qui oblige les banques du monde entier à transmettre aux autorités américaines tous les mouvements qui affectent des comptes détenus par un citoyen américain. A défaut, une banque qui ne coopère pas se voyant interdite d'activité sur le sol américain. Or, cette idée de Fatca à la française est restée lettre morte.

Et l'idée de demander aux banques françaises de publier chaque année la liste de leurs filiales à l'étranger et la nature de leur activité ?

Les banques françaises joueront le jeu mais si leurs filiales à l'étranger, notamment celles installées dans des paradis fiscaux doivent tout dire sur leur activité, elle perdront leurs marchés et leurs clients. C'est aussi simple que ça. Toujours la compétition fiscale et financière. Encore une fois, les mesures de lutte se concentrent trop sur les particuliers et pas assez sur les entreprises multinationales qui savent très bien comment ne pas payer d'impôt, nulle part. Le vrai sujet, donc, serait d'éviter les multiples non impositions. L'OCDE et le G20 se sont enfin emparés de cette question.