Auto-entreprise : le rapport commandé par Sylvia Pinel déjà aux oubliettes

Par Fabien Piliu  |   |  636  mots
Sylvia Pinel / Reuters
Commandé par la ministre de l'Artisanat, le rapport réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection des finances (IGF) excluait une limitation dans le temps du régime de l'auto-entrepreneur. Sylvia Pinel recommande l'inverse.

Sylvia Pinel prend ses responsabilités. Le rapport (ci-dessous) réalisé par de l?Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l?Inspection des finances (IGF) recommandait de ne pas limiter le régime de l?auto-entreprise dans le temps ? La ministre de l?Artisanat a décidé de ne pas tenir compte de cette recommandation. Mercredi, elle a annoncé que la réforme du régime consistera « à limiter dans le temps ce régime en activité principale et de renforcer l'accompagnement des auto-entrepreneurs ». Les activités secondaires ne sont pas concernées par cette limitation dans le temps qu?il reste encore à définir. Sylvia Pinel a donné une fourchette de un à cinq ans. Au-delà de cette limite, les auto-entrepreneurs devront soit créer une société classique, soit abandonner leur activité.

Une réflexion à affiner

"Mais, bien sûr, c'est à affiner. C'est pour cela que je ne veux pas m'avancer sur un délai. Je souhaite aujourd'hui travailler avec les différentes organisations professionnelles et les associations et les fédérations des auto-entrepreneurs", a-t-elle précisé. Elle doit notamment rencontrer la Fédération des auto-entrepreneurs (FEDAE), l'Union des auto-entrepreneurs (UAE) et les représentants des artisans, très remontés contre la ministre.
Cette limitation dans le temps ne la satisfaisant pas, l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) réclame « l'extension à tous les artisans des mesures d'atténuation des charges du régime de l'auto-entrepreneur afin de mettre fin à toutes inégalités de traitement ».

Travailler au noir

C?est donc un double échec pour Sylvia Pinel. D?une part, elle se met à dos les artisans qui auraient préféré voir certains métiers exclus du régime de l?auto-entreprise (bâtiment, coiffure?) au même titre que la plupart des professions libérales ; d?autre part, elle prend le risque de faire basculer dans l?économie souterraine certaines activités. Enfin, en ne retenant pas les travaux de l?IGAS et de l?IGF, la ministre prend le risque de froisser les susceptibilités au sein de la haute administration.
Reste que le rapport de l?IGAS et de l?IGF est riche d?informations. Il met en évidence trois risques, citant en premier le risque de concurrence déloyale maintes fois soulevés par les artisans, en raison de taux de prélèvements sociaux et fiscaux plus faibles. Il soulève aussi le risque de détournement du modèle salarial et le risque de fraudes en raison de la simplicité et de la faiblesse des obligations comptables.

Quatre pistes de réforme

Pour améliorer ce régime, qui a séduit près d?un million de personnes, les hauts fonctionnaires ont avancé quatre axes de réforme. Ils suggèrent de préserver le cadre social et fiscal du dispositif mais aussi d?inclure dans le « panier » de cotisations et de contributions la contribution foncière des entreprises (CFE). Ils proposent de modifier les systèmes statistiques et les obligations déclaratives pour assurer une meilleure connaissance et une meilleure lisibilité des auto-entrepreneurs et de construire un dispositif d?accompagnement partagé et systématique « fondé sur une meilleure coordination des acteurs, des actions précoces dès la création de l?activité, un diagnostic de croissance et d?accompagnement en cours d?activité. C?est en partie ce que suggère Sylvia Pinel lorsqu?elle plaide pour un accompagnement des auto-entreprises en passe de se transformer en entreprise classique.
Enfin, il recommande aux pouvoirs publics de mener ne politique d?information et de sensibilisation envers les fraudes ou détournement du dispositif. En clair, il s?agirait de favoriser la propagation de la moralisation de la vie politique aux auto-entrepreneurs et aux chefs d?entreprises !