La retraite des fonctionnaires, plus si avantageuse que çà

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1077  mots
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Le groupe d'experts sur les retraites, qui doit remettre dans une dizaine de jours ses recommandations, a évoqué avec les syndicats la possibilité de remettre en cause la règle des six derniers mois de salaire pour le calcul de la pension des fonctionnaires. A part cette différence, importante il est vrai, le régime de retraite des fonctionnaires a déjà été progressivement aligné sur celui du régime général.

Avec une très grande prudence, tant le sujet est explosif, la commission d'experts sur la réforme des retraites, présidée par la conseillère d'Etat Yannick Moreaux, évoque une réforme du « régime » de retraite des fonctionnaires. Le sujet a en tout cas été évoqué, lors de l'audition de syndicalistes. On le sait, la grande différence entre le régime général et les retraites des fonctionnaires réside dans le fait que, pour ces derniers, la pension des agents est calculée sur les 6 derniers mois de salaire (hors primes), contre la moyenne des 25 meilleures années dans le régime général. C'est quasiment la dernière différence, certes de taille, entre les deux systèmes. Car, c'est peu connu, mais depuis 2003, progressivement, les modalités de départ à la retraite des fonctionnaires sont alignées sur celles en vigueur dans le privé. Tour d'horizon.

Des statuts différents

D'abord il convient immédiatement de faire une distinction. En effet, il existe les agents titularisés de la fonction publique qui relèvent du Code des pensions civiles et militaires, et dont la retraite est versée soit directement par l'Etat pour les fonctionnaires d'Etat, civils et militaires, soit par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) pour les agents des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière. La deuxième catégorie, les salariés non titulaires de la fonction publique, eux, dépendent du régime général des salariés pour la retraite de base, et de l'Ircantec (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques) pour la retraite complémentaire. Les régimes des fonctionnaires sont alimentés par une cotisation salariale et une cotisation « employeur », à la charge de l'Etat. La cotisation « salariée » s'élevait à 7,85% jusqu'à 2010. Elle sera progressivement alignée sur le niveau de cotisation des salariés du régime général, à savoir 10,55%. Depuis 2011, le taux de cotisation augmente donc de 0,27% chaque année, pour atteindre 10,55% en 2020.

L'âge de départ identique dans le privé et le public sauf pour les catégories « actives »

S'agissant de l'âge de départ à la retraite, là aussi les choses ont bougé. Il existe deux catégories d'emploi dans la fonction publique : la catégorie « sédentaire » (même règles que dans le privé) et la catégorie « active ». La seconde correspond à des emplois considérés comme pénibles ou risqués (police, militaire, etc.). Si l'agent a effectué moins de 17 ans de services en catégorie active, l'âge de départ est le même que dans le régime général, à savoir 62 ans si il est né en 1955 ou après, ou entre 60 et 62 ans si il est né avant cette date. Si l'agent a effectué au moins 17 ans de services en catégorie active, il peut partir à la retraite avant l'âge du régime général, la plupart du temps 5 ans plus tôt, parfois 10 (soit respectivement à 57 ans et 52 ans à partir de 2017). En 2009, un peu moins du quart des fonctionnaires civils partant à la retraite ont pu le faire de façon anticipée au bénéfice de leur carrière en catégorie active. Pour l'essentiel, il s'agissait de départ à 55 ans (5 ans d'anticipation), le départ à 50 ans (10 ans d'anticipation) ne concernant que 1,4% des agents. A noter également que depuis 2010, le dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants après 15 ans de carrière a été supprimé.

La durée de cotisation alignée sur les règles du privé

Par ailleurs, concernant la durée de cotisation et l'âge requis, depuis la réforme Fillon de 2003, les conditions pour percevoir sa retraite à taux plein dans la fonction publique ont été alignées progressivement sur celles du régime général. La transition n'est cependant pas tout à fait achevée (l'âge requis progresse de quelques mois chaque année) : l'âge auquel l'agent peut percevoir sa retraite à taux plein sans condition de durée de cotisation sera le même que dans le régime général en 2020, à savoir, pour l'instant, 67 ans, alors qu'il était de 62 ans et 9 mois en 2011. Pour 2013, il se situe à 64 ans. Le fonctionnaire doit aussi justifier d'une durée de cotisation (tous régimes confondus) comprise entre 160 et166 trimestres suivant l'année de naissance. Cette durée est de 163 trimestres pour les fonctionnaires nés en 1951, 164 pour la génération 1952, 165 pour les générations 1953 et 1954 et 166 trimestres pour la génération 1955. Cette durée a vocation à évoluer encore dans les années à venir, au même rythme que dans le régime général.


La règle des six dernier mois : objet de la polémique

Quant au montant de la pension à taux plein (il y a aussi un système de décote et de surcote comme dans le privé), le sujet qui fait polémique, il s'élève à 75% du traitement perçu les six derniers mois, hors primes (sauf exceptions, comme l'indemnité de sujétions spéciales dans la police nationale). Il faut avoir perçu le même traitement, au titre du même emploi, grade, classe et échelon, pendant les six derniers mois (pour éviter les promotions du dernier instant). A défaut, c'est le traitement perçu antérieurement qui fait référence. Historiquement, la règle retenue des six derniers mois s'expliquait par la volonté de compenser des évolutions de carrière (et donc de rémunération) parfois quasi inexistante, notamment pour la plus basse catégorie de fonctionnaires (la « C »).

Autre motif : quand l'on devenait fonctionnaire, cela garantissait aussi un montant de pension de retraite « décent ». Le tout à l'époque des « 30 Glorieuses » quand la fonction publique avait du mal à attirer des salariés à l'inverse du privé où les évolutions de carrière et de rémunération étaient constantes. Mais, maintenant que la progression salariale est nettement plus modérée, cette différence choque. Pour autant, les syndicats de fonctionnaires évoquent déjà un casus belli, si le gouvernement revient sur la règle des six derniers mois. Prudemment, le groupe des experts sur la retraite évoque l'idée de porter la période de référence de 6 mois actuellement à 3 ans. A suivre...