Retraites, charges sociales : des patrons plus mesurés que Pierre Gattaz

Par Marina Torre, à Jouy-en-Josas  |   |  711  mots
Sous les polos bleus, les patrons ne sont pas tous d'accord avec le discours guerrier de Pierre Gattaz (c) Reuters
Demander la suppression de l’ISF, la réduction de la fiscalité des entreprises de 50 milliards d’euros et le coût du travail d'autant… Pour sa première université d’été du Medef en tant que patron des patrons, Pierre Gattaz frappe fort. Mais ses troupes le suivent-elles aveuglément ? Sur la pelouse de HEC, l’assistance tient un discours plus ou moins mesuré.

Chapeaux de paille et polos (bleus cette année) sur l'épaule, lunettes de soleil mais aussi smartphones… Pour cette nouvelle université d'été, l'uniforme de rigueur est toujours là. Et sur les lèvres : retraites, charges sociales, pression fiscale… Pas de doute, la rentrée a bien sonné au Medef dont l'université d'été a démarré ce mercredi. Matignon a pris les devants, annonçant, la veille, les grandes lignes de la réforme des retraites. Et Pierre Gattaz, le nouveau patron des patrons a aussitôt répondu en rejetant une "non-réforme" et en fustigeant les hausses de cotisations.

Derrière lui, les rangs sont-ils serrés ? L'université est l'occasion de prendre le pouls. Durant le déjeuner sur l'herbe, histoire de faire honneur au campus d'HEC où se déroulent les agapes, certains le suivent sans sourciller. C'est le cas de Thaima Samman, présidente de l'European Network for Women In Leadership et avocate. Cette dernière reconnaît que les "situation est compliquée", mais aurait préféré une réflexion de fond.

Supprimer l'ISF, réduire charges et cotisations de 100 milliards d'euros

Pendant son discours, écouté religieusement par l'assemblée, Pierre Gattaz fait plus que critiquer la réforme, il appelle le gouvernement à réduire les charges patronales. A deux reprises pendant sa prise de parole, l'assistance applaudit : lorsqu'il propose de supprimer ISF et taxes à 75%, des impôts jugés "symboliques et dogmatiques", mais aussi de réviser la loi sur les 35H. Et surtout après avoir interpellé le président et son gouvernement pour leur demander de "réduire la fiscalité des entreprises de 50 milliards d'euros", de même pour les cotisations sociales des entreprises "par le biais d'un transfert de charges".

Simplification administrative

Une vision qui semble convaincre un public majoritairement acquis à sa cause. Parmi les enthousiastes : ce chef d'entreprise de la région bordelaise qui a vivement applaudi l'appel de Pierre Gattaz. Bertrand Legrix de la Salle, également administrateur de la fédération des entreprises de propreté, retient surtout le message sur la simplification administrative. Le numéro 1 du Medef a en effet proposé que pour toute nouvelle norme, deux anciennes soient supprimées, sur le modèle "one in, two out" (une dedans, deux dehors) britannique.

"Je fais confiance à Gattaz"

Dans les allées, certains participants acquiescent également au constat de Pierre Gattaz. Mais croient-ils pour autant que son appel sera entendu ? "Si la France qui en a raz-le-bol bouge", pourquoi pas, juge Luc Laurentin, président de Syntec Etudes marketing & opinion . "On a atteint le seuil, on a vu les gens se mobiliser contre le mariage, ça peut être contre l'impôt", poursuit-il. Alors qu'approchent deux séries de négociations sur l'assurance-chômage et sur la formation professionnelle, le patronat lui-même pourrait être enclin à faire valoir ses revendications. Le Medef utilisera-t-il ces armes ? Pas forcément. "Je fais confiance à Gattaz. Il  a dit qu'il voulait discuter avec les partenaires sociaux, rester ouvert, il le fera", juge ainsi Luc Laurentin.
D'autres nuancent également le propos du patron des patrons. "Quand vous avez des mandats de représentation, vous pouvez être provocateur mais vous êtes payé pour ça. Après entre quatre yeux c'est autre chose", souligne ainsi Gérard Cagna, coach et membre de l'UMIH.

"Il ne faut pas se focaliser sur les charges"

Nuance partagée par d'autres participants. "Il est dans son rôle, c'est politique, mais il ne devrait pas se focaliser sur les charges", juge ainsi Ludovic Emanuely, spécialisé dans l'intelligence économique.  "On en paye trop, certes, mais il est normal d'en payer", ajoute-t-il. "A ses yeux, il vaudrait mieux se concentrer sur la croissance "au lieu de râler parce que le frigo est trop plein, il faudrait chercher les moyens de l'agrandir", poursuit-il avant de louer l'esprit conquérant.   Or, l'esprit conquérant, c'est justement le thème de cette université d'été….

Sur les stands toujours nombreux lors de ce type d'événement, certains, enfin, se montrent beaucoup plus détachés. "Le gouvernement, il [Pierre Gattaz] peut toujours l'appeler "s'amuse le représentant d'une association, avant d'alpaguer un participant pour lui débiter son "pitch".

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