Eric Aubin (CGT) : "La réforme des retraites fera baisser le niveau des pensions"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  630  mots
Eric Aubin (CGT): "nous croyons dans la montée de la mobilisation contre la réforme""
Eric Aubin, secrétaire national de la CGT en charge des retraites, critique la hausse de la durée de cotisation qui va conduire les futures générations soit à travailler jusqu'à plus de 65 ans, soit à percevoir des pensions inférieures, du fait de la décote. Il croit dans la montée de la mobilisation contre le projet.

La Tribune. Quels sont, à vos yeux, les péchés capitaux de cette réforme?

- Le cœur de la réforme, c'est l'allongement de la durée de cotisation jusqu'en 2035. Ce qui va pénaliser les générations nées en 1973 et les années suivantes. Surtout quand l'on sait que les jeunes, à 30 ans, n'ont validé que 30 trimestres du fait de la précarité et de la situation de l'emploi.

Ceci signifie que ces jeunes de maintenant ne pourront pas partir à la retraite à taux plein avant l'âge de 65,5 ans. En outre, la réforme va aussi avoir pour conséquence une baisse des pensions servies car les personnes partiront à la retraite mais avec une décote, faute de trimestres cotisés suffisants.

Autre problème, le financement. Les salariés vont connaitre une hausse de cotisation de 0,3 point.  Et, s'agissant des retraités, le report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre va rapporter 1,4 milliard à l'horizon 2020. C'est une forme de désindexation déguisée.

Mais il n'est pas normal que le maintien de la date de revalorisation au 1er avril ne concerne que les 600.000 titulaires de l'Aspa, l'ancien minimum vieillesse. Tous les titulaires d'une petite retraite auraient dû être concernés par le maintien au 1er avril. Je rappelle que le montant moyen de la retraite s'élève à 1.246 euros par mois.

Le scandale concerne les entreprises. Certes, elles vont connaitre aussi une hausse des cotisations retraites de 0,3 point. Mais le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, s'est déjà engagé à neutraliser cette augmentation, et même à aller au-delà, en baissant leurs cotisations pour les prestations familiales. Elles seront donc gagnantes, à la différence des salariés et des retraités. C'est inacceptable

Mais vous devez tout de même trouver des points positifs dans cette réforme, notamment avec la prise en compte de la pénibilité?

- Nous sommes de fait satisfaits que le débat soit lancé sur la pénibilité, les femmes, les jeunes. Mais, en vérité, sur la pénibilité, il n'y a pas grand chose. Que fait-on du stock des salariés âgés actuellement en poste et exposés à des facteurs de pénibilité? Pour eux, rien ou presque n'est prévu.

Cette réforme ne concernera que l'avenir. Et encore, elle produira au mieux des effets dans 15 ans puisque ,selon le barème prévu par le compte personnel de pénibilité, un point ne donnera lieu à la validation que de 1 trimestre. En plus, on ne peut gagner que 8 trimestres, soit un départ anticipé de deux ans à la retraite. Sans oublier que près d'un salarié sur deux qui liquide sa retraite est actuellement déjà hors de l'emploi, du fait de la pénibilité des tâches notamment..

Vous croyez vraiment à la montée de la mobilisation contre la réforme. Surtout que vous n'appelez pas vraiment à  son retrait?

- Bien sûr que nous y croyons. Les médias ont dit que notre journée du 10 septembre était en demi- teinte. Mais cette journée a eu lieu très tôt en septembre et les jeunes ne sont pas encore rentrés. Ils seront nettement plus nombreux lors de notre mobilisation début octobre. Et nous, nous devons continuer notre travail d'explication sur le texte. Une mobilisation, ça se construit.

Par ailleurs, ce n'est pas possible de demander le retrait complet du texte Ayrault. Car nous savons qu'il faut une réforme. mais nous demandons la suppression de certaines mesures et que le le financement en soit entièrement revu. La situation n'est pas la même qu'en 2010, car tous les syndicats étaient alors dans la rue et Sarkozy avait touché à l'âge légal de la retraite.