Jacques Attali veut que le capitalisme soit plus "patient"

Par latribune.fr  |   |  828  mots
Le rapport Attali préconise de donner aux actionnaires à long terme plus de poids dans l'entreprise
Dans son rapport sur l'économie positive, l'ancien conseille de François Mitterrand préconise 45 mesures pour une meilleure prise en compte du long terme dans les stratégies des Etats et des entreprises.

L'économiste et ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali a remis samedi à François Hollande un rapport sur l'"économie positive", qui prône un "capitalisme patient", soucieux de prendre plus en compte le long terme que le court terme.

Quarante-cinq propositions sont présentées dans ce document, fruit de la réflexion menée pendant une année par des experts de différentes disciplines (économistes, universitaires, sociologues, scientifiques, entrepreneurs,...)

Une finance positive, qui retrouve son rôle de support de l'économie réelle

"L'absence de prise en compte du long terme est la cause principale de la crise actuelle. Il est très inquiétant de voir les sociétés, les nations de plus en plus focalisés sur le court terme", a souligné Jacques Attali  à l'issue de la rencontre avec le président de la République à l'Elysée.

"L'un des prérequis" de l'"économie positive" est de "bâtir un capitalisme patient, à travers une finance positive, qui retrouve son rôle de support de l'économie réelle", souligne le rapport dans son introduction

"La finance, on ne lui demande pas d'être vertueuse, on lui demande d'être fructueuse", a commenté François Hollande devant les membres des deux groupes de travail ayant participé à l'élaboration du rapport.

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Ancrer le long terme dans notre droit

Le document préconise aussi une "refonte des normes comptables (proposition 5), afin d'y intégrer la dimension de long terme qui leur fait aujourd'hui défaut, ne permettant pas de valoriser les comportements positifs des entreprises". Mais des "réformes institutionnelles s'imposent également: le long terme doit s'ancrer dans notre droit", poursuit le rapport.

Le document préconise ainsi la création d'un "Conseil du long terme", qui prendrait en compte les intérêts des générations futures, qui pourrait voir le jour "à partir du Conseil économique, social et environnemental" (prop. 35).

Ce rapport formule donc 45 propositions. Parmi elles, 10 sont des mesures-piliers qui constituent les chantiers les plus importants à lancer d'ici cinq ans pour poser le cadre de l'économie positive. 

  • 1. Le financement 

- Création d'un fonds mondial d'économie positive pour agir comme un investisseur de long terme contra-cyclique
au niveau mondial.
- Refonte de l'architecture fiscale française autour d'externalités positives ou négatives, c'est-à-dire pour orienter  les comportements des agents économiques vers plus de positivité.

  • 2. Le cadre institutionnel

- Création d'un Conseil du Long Terme : le pouvoir législatif a besoin d'intégrer le long terme dans sa prise de  décision. La création d'une instance chargée de s'assurer de la prise en compte des intérêts des générations futures est nécessaire pour institutionnaliser le long terme au cœur du processus normatif national. 

- Création d'un tribunal mondial de l'environnement : certains crimes commis contre l'environnement ont à la fois  un caractère massif et international. Seule une juridiction internationale pourra à la fois instaurer une jurisprudence universelle et exercer un véritable pouvoir dissuasif sur certains acteurs économiques tant ils profitent de la
mondialisation financière pour accentuer leur impunité de fait.
- Proposition d'un grand texte international sur les responsabilités universelles : cette « charte » mondiale définirait les devoirs des générations présentes à l'égard des générations futures.

  • 3. Changer l'entreprise pour faire évoluer l'économie

L'entreprise est le coeur de l'économie. Il est indispensable de la faire évoluer en profondeur vers l'économie positive pour relever les défis de 2030.
- Définir des indicateurs positifs extra-financiers et ainsi constituer un outil de mesure unifié de l'impact positif des entités économiques.
- Modifier la définition de l'entreprise afin d'inscrire sa mission positive dans le droit. Cette nouvelle définition du contrat de société sera inscrite au Code Civil et prendra désormais en compte la mission sociale, environnementale et économique de l'entreprise.
- Rééquilibrer l'influence sur la stratégie d'entreprise de l'ensemble de ses parties-prenantes : aujourd'hui, les actionnaires exercent une influence disproportionnée par rapport aux autres parties prenantes de l'entreprise. Il est nécessaire de mettre fin à la myopie actionnariale en renforçant le poids des actionnaires de long terme, mais aussi de l'ensemble des parties prenantes (notamment les clients,
fournisseurs, salariés).

  • 4. L'éducation pour former des citoyens éco-responsables

Les valeurs de l'économie positive doivent être transmises et acquises dès le plus jeune âge. C'est par l'éducation que ce nouveau cadre de l'économie positive pourra être mis en place.
- former des citoyens altruistes, éco-responsables qui prennent en compte l'intérêt des générations futures. …et mesurer l'évolution de chaque pays
Pour accomplir ce changement, Jacques Attali et son groupe de réflexion ont jugé indispensable d'élaborer des outils de mesure adéquats pour évaluer les progrès accomplis et ceux qu'ils restent à faire.