Le Sénat veut s'attaquer à tous les acteurs de la fraude et de l'évasion fiscales

Par latribune.fr  |   |  565  mots
La commission d'enquête sénatoriale sur le rôle des banques dans l'évasion fiscale propose une série de mesures visant "toute la chaîne des acteurs". Mais elle ne cible pas vraiment les banques...

Le Sénat a fait ce jeudi des propositions visant "toute la chaîne des acteurs" de l'évasion fiscale, depuis les sociétés qui font de la publicité pour des placements frauduleux, jusqu'aux "repentis", qui devraient être encouragés à investir dans l'économie réelle.

"L'idée c'est de répartir la responsabilité sur toute la chaîne des acteurs", en amont comme en aval de la fraude, a dit Eric Bocquet, sénateur du Nord, rapporteur d'une commission d'enquête lancée en avril 2012 et présidée par le sénateur du Cher, François Pillet.

Cette commission a ainsi recommandé de "créer un délit spécifique d'incitation à la fraude fiscale comportant notamment la répression du démarchage et de la publicité pour des dispositifs d'évasion fiscale".

Des barrages sur internet

Les sénateurs proposent également de "réfléchir" à la mise en place de barrages sur internet, pour "restreindre l'accès du public à des sites commerciaux offrant des montages « clé en main » d'évasion fiscale illégale", ou l'ouverture de comptes dans des paradis fiscaux.

Au total, la commission d'enquête a présenté 34 propositions, adoptées "à l'unanimité" selon son président, qui portent aussi bien sur le renforcement des moyens de l'administration fiscale, sur l'établissement d'un "registre international des trusts", ces sociétés de droit anglo-saxon qui sont souvent des coquilles vides servant à dissimuler des capitaux, ou sur le statut des commissaires aux comptes vérifiant les bilans des entreprises.

Non aux cartes bancaires à la provenance non identifiée

Les sénateurs souhaiteraient aussi interdire l'usage en France de cartes bancaires lorsque le "bénéficiaire effectif" du compte n'est pas identifiable, et copier au niveau européen l'accord américain dit "FATCA" qui impose l'échange automatique d'informations entre les fiscs de divers pays.

Plus en aval, une fois l'évasion fiscale démasquée, la commission propose d'"ouvrir un débat sur la conditionnalité des remises de pénalités fiscales, notamment pour les « repentis » investissant dans l'économie réelle."

Traitement de faveur en cas de réinvestissement en France?

En clair, les sénateurs s'interrogent sur un traitement éventuellement plus favorable pour les fraudeurs, s'ils s'engagent à réinvestir en France les capitaux qu'ils avaient dissimulés dans des paradis fiscaux. Bocquet, affirmant "exclure toute idée d'amnistie", a déclaré que cette proposition relevait "d'un champ purement pragmatique" et visait seulement à "ouvrir le débat".

Il a estimé que les risques liés à l'évasion fiscale étaient "un bruit de fond de l'économie mondiale", face auquel les administrations étaient "souvent désarmées". Il a fait valoir qu'en "l'état actuel, il faudrait 25 ans (à l'administration fiscale française) pour régulariser les dossiers" d'évasion fiscale en souffrance.

Le rapporteur a en outre insisté sur "l'indispensable protection des donneurs d'alertes", c'est-à-dire les "sources et les journalistes" révélant des affaires d'évasion fiscale.

Les banques oubliées?

Le rapport publié ce jeudi surprend tout de même par une sérieuse lacune: s'agissant d'une commission d'enquête consacrée au rôle des banques dans l'évasion fiscale, on pouvait s'attendre à des mesures ciblant directement les banques, les contraignant plus. Or les dispositions proposées ne visent qu'indirectement les établissements financiers, insistant notamment sur la protection des salariés chargés du contrôle interne".