Le Sénat va retoquer la réforme des retraites

Par latribune.fr  |   |  861  mots
Des alliances entre la droite et les communistes ont permis au Sénat de rejeter la réforme des retraites
Le projet de loi portant réforme des retraites est en passe d'être rejeté par le Sénat, notamment en raison de l'attitude du groupe communiste qui refuse l’augmentation de la durée de cotisation. Mais l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

Le Sénat a quasi totalement détricoté le projet de réforme des retraites présenté par Jean-Marc Ayrault à la fin aout et déjà adopté par l'Assemblée nationale le 15 octobre. Ce n'est pas vraiment une surprise. La commission des Affaires sociales du Sénat n'avait, en effet, approuvé que 4 articles sur les 52 du projet gouvernemental. Ceci dit, pour le gouvernement ce n'est pas vraiment un revers car il ne s'attendait pas à ce que la Haute Assemblée approuve le texte. Notamment en raison de l'attitude du Parti communiste qui s'était déjà montré très remonté à l'Assemblée nationale sur la décision d'allonger la durée de cotisation.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale devrait rétablir l'ensemble des dispositions lorsque le texte reviendra devant elle en novembre.

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Des alliances étonnantes

Mais, ce qui s'est passé au Sénat est intéressant à étudier, en raison des alliances étonnantes qui se sont provisoirement nouées… Ainsi, les sénateurs ont adopté en bloc trois amendements identiques visant à rejeter l'allongement de la durée de cotisation, mais aux motifs diamétralement opposés. L'un a été déposé par la socialiste (gauche du PS), Marie-Noëlle Lienemann, et les autres par le groupe UMP et par les écologistes.

Ils ont été votés par 205 voix, celles des groupes UMP, centristes, écologistes et CRC (Communiste, républicain et citoyen), et de Marie-Noëlle Lienemann. En revanche, les socialistes et la quasi-totalité du RDSE (à majorité PRG) ont voté contre, soit 142 voix.

Marie-Noëlle Lienemann s'est défendue : "Cette réforme prend en compte la pénibilité et la précarité: nous nous en réjouissons. Mais l'allongement de la durée de cotisation nous pose un problème majeur. Cette mesure ne s'impose pas financièrement. Il a été aisé de trouver 20 milliards d'euros pour le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi en quelques semaines. Et nous ne pourrions financer les retraites?", a-t-elle demandé.

Pour René-Paul Savary (UMP), "cet article fait peser sur les générations futures le financement de la sécurité sociale" et "la solidarité n'est pas au rendez-vous".

Le détricotage s'est poursuivi avec le rejet de l'article 3 instaurant un mécanisme de pilotage du système de retraite pour garantir le redressement dans la durée. PS, RDSE et écologistes ont voté pour tandis que la droite UMP et centriste se prononçaient contre et que le CRC s'abstenait.

Puis vint le tour de l'article 4 qui prévoyait une participation (via une augmentation de la cotisation retraite et la prise en compte dans l'assiette de l'impôt sur le revenu des majorations de pension des retraités ayant élevé au moins trois enfants)) des entreprises, des salariés et des retraités pour assurer la pérennité des régimes de retraite qui est passé à la trappe.

Prise en compte de la pénibilité: les communistes s'abstiennent

Plus tard, les sénateurs se sont attaqués à une autre partie importante du texte, celle sur la prise en compte de la pénibilité du travail. Et, rebelote, les sénateurs ont rejeté la création d'un compte personnel de pénibilité au travail, l'un des points essentiels du projet de réforme. Sans surprise, la droite, UMP et centriste, a voté contre, ainsi que les non-inscrits. A gauche il a manqué les voix des… 20 sénateurs communistes qui se sont abstenus tandis que le PS, la quasi-totalité du RDSE et les Ecologistes ont voté pour.

Dénonçant "l'enjeu financier, à la charge des entreprises", que représente la création de ce compte, Gérard Longuet (UMP) a estimé que "d'ici 2020, on va dans une impasse qui ne pourra être comblée que par des cotisations des entreprises ou des financements de l'État" et que son groupe ne pouvait pas la voter en l'état. Gérard Roche (UDI-UC), de son côté, a relevé une "confusion entre deux volets qui devraient être distingués, la prévention et la réparation". Il a aussi estimé qu'il y avait une incertitude sur les décrets et une incertitude financière.

Pour Dominique Watrin (Communiste, républicain et citoyen), s'il est un progrès, le compte pénibilité "n'est pas la panacée". "Trop de questions n'ont pas trouvé de réponse. Trop d'alinéas renvoient à des décrets, de sorte que nous nous exprimons sur un mécanisme dont nous ignorons les modalités", a-t-il dit en expliquant l'abstention de son groupe.

Donc, à l'issue du débat, mardi 5 novembre, le rejet de l'ensemble du texte est attendu, le gouvernement ne disposant pas de majorité PS au Sénat où il a besoin de toutes les voix de gauche, PS, RDSE, écologistes et CRC pour faire adopter ses textes. Or, ce dernier groupe au mieux s'abstiendra, au pire votera contre. Mais c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Voilà donc au moins une réforme que le gouvernement aura menée du début à la fin sans trop de dégâts ou de reculades…