La TVA peut-elle encore augmenter ?

Par Fabien Piliu  |   |  1109  mots
La remise à plat de la fiscalité se prépare à Bercy
Le taux général de la TVA passera de 19,6% à 20% le 1er janvier. Le taux intermédiaire fera un bond de 7% à 10%. Une nouvelle augmentation de la TVA pourrait-elle être à l’ordre du jour ?

Le gouvernement est inflexible. En dépit des polémiques sur la vraie-fausse pause fiscale et des tensions économiques et sociales qui les accompagnent, Jean-Marc Ayrault a été clair. Le Premier ministre a affirmé dans un entretien aux Echos que le gouvernement ne reviendrait pas sur les relèvements des taux de TVA prévus depuis un an. Le 1er janvier, le taux général de la TVA passera de 19,6% à 20% le 1er janvier. Le taux intermédiaire fera un bond de 7% à 10%.

Une volonté de fer qui s'explique simplement : les recettes supplémentaires engendrées par ces augmentations ont d'ores et déjà été dépensées puisqu'elles seront intégralement fléchées vers le crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) dont le coût est estimé à 10 milliards en 2014. D'ici janvier, le gouvernement n'a pas le temps de trouver des recettes de substitution.. 

Une remise à plat de la fiscalité est annoncée

Le gouvernement a-t-il tiré sa dernière cartouche ? Une nouvelle hausse du taux général ou du taux intermédiaire peut-elle intervenir avant la fin du quinquennat ? Pas impossible. Dans le même entretien, Jean-Marc Ayrault n'a-t-il pas annoncé une remise à plat globale de la fiscalité ?

Plusieurs éléments plaident en faveur d'une nouvelle hausse de cette taxe indirecte, véritable machine à cash de l'Etat, dont le produit annuel, proche de 140 milliards d'euros, dépasse très largement celui de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés. Ces deux impôts rapportent respectivement 75 et 40 milliards chaque année à l'Etat.

Une fenêtre de tir dans la deuxième partie du quinquennat

Quand cette décision pourrait-elle être prise ? Certainement pas maintenant, car e climat économique et social est à l'évidence trop tendu. Mais si l'activité se redresse au cours de la seconde partie du quinquennat et que la progression du pouvoir d'achat est perceptible par les Français ,alors....

Pour quelles raisons le gouvernement utiliserait une seconde fois l'arme de la TVA ? Sa gestion est simple puisque ce sont les entreprises qui la recouvrent. Autre avantage de la TVA - ou de la CSG… - son assiette est la plus large qui soit. Puisque le gouvernement souhaite simplifier le paysage fiscal français, ne vaut-il pas mieux augmenter faiblement un impôt redevable par tous plutôt que de multiplier des exonérations ? A cet égard, l'impôt sur les sociétés est un magnifique exemple du savoir-faire de l'exécutif en matière de « mitage » de l'outil fiscal.

De nombreux chantiers à financer

Les chantiers à financer sont bien nombreux. Lancé dans une lourde restructuration des dépenses publiques, l'État est dans l'obligation de trouver des ressources pour alléger le coût du travail, financer la dépendance, une énième réforme des retraites, le logement social et intermédiaire…. tout en respectant ses obligations communautaires en matière de déficit et d'endettement publics. Une hausse d'un point du taux de TVA à 19,6% représente 6,5 milliards d'euros.

Il s'agit ainsi de suivre l'exemple allemand. En 2007, l'augmentation de trois points de 16% à 19% de la TVA décidée par le chancelier Gerhard Schröder n'avait pas pour unique objectif la réduction des charges sociales. Un point de TVA était consacré à la réduction de l'impôt sur les sociétés, un point à la réduction du déficit public et un point pour la réduction des charges sociales.

Le sujet divise peu

A droite comme à gauche, l'idée fait son chemin. A droite, on aurait du mal à se prononcer en défaveur d'une telle mesure alors que l'une des dernières décisions économiques fortes du gouvernement Fillon était le relèvement de 19,6% à 21,2% du taux général de la TVA, juste avant les élections présidentielles. Cette mesure devait rapporter 10,6 milliards à l'Etat. Au sein de la majorité, Christian Eckert, le rapporteur du Budget à l'Assemblée nationale est favorable à une nouvelle augmentation du taux de TVA. En février, la mise en place d'un taux de TVA à 20,5% fut au centre des travaux du groupe de travail PS qu'il mena à l'Assemblée.

Un taux à 27% en Hongrie

En procédant ainsi, la France ne se distinguerait pas vraiment de ses voisins européens. En effet, en Belgique, le taux général de TVA s'élève à 21%. Il atteint 23% en Irlande, en Pologne et au Portugal. Il est de 25% au Danemark et en Croatie et en Suède et grimpe à 27% en Hongrie.

Que risque le gouvernement ?

Une hausse du taux général de TVA peut-il favoriser les tensions inflationnistes ? Au regard du niveau actuel de l'inflation - +0,6% sur un an selon l'Insee -, le risque est minime. Une augmentation du taux de la TVA à 20% ou à 20,5% se traduirait respectivement par une hausse des prix de 0,33% et de 0,75% par rapport aux tarifs TTC actuels. s'il est intégralement répercutée.

Pour les bien peu coûteux, l'augmentation serait relativement minime. Un produit valant 15 euros TTC passerait à 15,05 euros avec une TVA à 20% et à 15,11 euros avec une TVA à 20,5%. Mécaniquement, les prix des achats de biens à forte valeur ajoutée augmenteraient plus vite mais le choc serait contenu. Le prix d'un véhicule s'échangeant actuellement 20.000 euros serait relevé de 66 euros avec un taux de TVA à 20% et de 150 euros avec une TVA à 20,5%.

Les budgets modestes seraient-ils épargnés ?

Le gouvernement ne risque-t-il d'augmenter son impopularité en augmentant à nouveau le taux de TVA, au prétexte que ce serait les ménages modestes qui en seraient les premières victimes ? Des trésors de communication devraient être évidemment déployés mais le pari pourrait être jouable.

« La hausse de la TVA serait-elle « antisociale », au prétexte qu'elle frappe de manière disproportionnée les ménages les plus modestes ? C'est un peu plus compliqué. Il faut en effet rappeler que les minima sociaux, le SMIC et les pensions de retraite sont indexés sur l'indice des prix à la consommation. Dès lors, sauf à imaginer que l'on gèle ces indexations - ce que le gouvernement vient de faire pour certaines allocations -, le pouvoir d'achat des bas revenus ne sera pas affecté (mais pas revalorisé), et seuls les salariés au dessus du SMIC et les revenus de l'épargne souffriraient d'une baisse de pouvoir d'achat si les prix à la consommation répercutaient la hausse de la TVA , explique Jacques Le Cacheux, économiste à l'OFCE sur le blog de l'Observatoire.

Or, les récentes hausses de TVA déclenchées en Allemagne ou aux Pays-Bas indiquent qu'une hausse du taux de TVA se diffuse équitablement entre une hausse des prix et une baisse des marges des entreprises.