Formation : que cache la querelle entre le Medef et la CGPME ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  926  mots
La CGPME de Jean-François Roubaud cherche à affirmer sa place face au Medef
La négociation sur la formation professionnelle continue de buter sur le problème du financement qui oppose le Medef et la CGPME. Derrière cette querelle se cache l'enjeu du financement du paritarisme ainsi que la bataille de la représentativité patronale

Les organisations patronales et syndicales ont repris ce 5 décembre le chemin de la négociation sur la réforme de la formation professionnelle. Mais dans un climat plutôt délétère en raison de l'opposition qui persiste sur ce dossier entre deux des organisations patronales, le Medef et la CGPME. Un conflit qui avait déjà entrainé l'annulation de la précédente séance de négociation le 21 novembre, les deux organisations ne souhaitant pas étaler leurs divergences en public.

Mais c'est un peu une négociation en trompe l'œil qui a repris ce 5 décembre. Pour faire bonne figure et pour se laisser encore un peu de temps pour tenter de recoller les morceaux, Medef et CGPME ont décidé de mettre de côté le point qui fâche, à savoir le financement de la formation professionnelle. Au menu donc de la réunion de ce jour : l'instauration pour chaque salarié d'un entretien professionnel tous les deux ans, la consultation des représentants du personnel dans le cadre de l'élaboration du plan de formation, instauration du compte personnel de formation, etc.

Une négociation enlisée

Très bien mais, normalement, il ne reste plus que la séance du 12 décembre pour conclure la négociation et transmettre un texte au gouvernement qui lui donnera ensuite force de loi. Or, ceci semble un peu court pour régler l'épineux dossier du financement de la formation.

L'échéance du 12 décembre risque donc de ne pas pouvoir être respectée. Le ministre du Travail, Michel Sapin, pourrait alors accorder quelques jours supplémentaire si un accord est en vue. Mais là est toute la question, tant les divergences internes au patronat semblent actuellement profondes.

Lire aussi: "Comment réformer le mammouth de la formation professionnelle"

Dans son dernier projet de texte présenté aux syndicats de salariés et aux autres organisations patronales, le Medef propose d'instituer pour les entreprises de 10 salariés et plus une contribution unique pour la formation professionnelle égale à 0,8% de la masse salariale (contre 1,6% actuellement en prenant en compte les différentes contributions). Pour les entreprises de moins de 10 salariés, cette contribution serait limitée à 0,55%.

 

La question de la mutualisation des fonds de la formation...

Inacceptable pour la CGPME qui milite pour que l'actuelle cotisation de 0,9% entièrement dédiée au plan de formation soit maintenue. Seule façon, pour elle, de conserver le principe de la mutualisation. Ces fonds sont en effet collectés par des organismes paritaires (les fameux Opca) et chaque entreprise, grande ou petite, dispose d'un droit de tirage. Seule, façon, toujours pour la CGPME d'assurer la réalité de la formation dans les PME.

Derrière cette polémique, ne se cacherait-il pas un problème de gros sous, sachant que ce sont environ deux milliards d'euros qui sont actuellement mutualisés, via le réseau des Opca..? Et que l'un des plus gros organisme collecteur n'est autre que l'Agefos où la CGPME est très active.

... et celle du financement des organisations patronales et syndicales

Geneviève Roy, vice -présidente de la CGPME en charge des affaires sociales réfute tout "intéressement" de son organisation :

" Le ministre du Travail, Michel Sapin, a déjà fait savoir que les organisations patronales et syndicales qui gèrent la formation professionnelle n'auront plus droit au préciput (le fameux 1,5% prélevé sur les fonds de la formation qui sert souvent à payer les salaires des permanents syndicaux, employeurs et salariés). Il n'y a donc pas de sujet. Nous continuons de travailler avec le ministère du travail sur cet autre chantier  qu'est le financement du paritarisme. Non, le vrai sujet c'est de trouver le moyen de financer la formation des salariés des PME dont la trésorerie est faible ".

Pierre Ferracci, président du groupe Alpha et grand spécialiste des questions de formation professionnelle, lui, s'interroge. Dans un récent entretien au " Quotidien de la formation , il estime que  "

Le débat sur la représentativité patronale a probablement contribué à favoriser cette querelle de territoires entre organisations d'employeurs, mais ses raisons profondes ne s'y limitent sans doute pas (..).  La négociation en cours pose un problème sérieux de remise en question d'un système de financement de la formation qui existait depuis plusieurs décennies(…) Mais maintenant que le processus de division patronale est lancé, rien ne dit qu'il s'arrêtera à cette seule négociation. Peut-être verra-t-on le front patronal se lézarder à l'occasion d'autres sujets, comme ceux relatifs à l'assurance chômage ou au financement du paritarisme et de la démocratie sociale.".

Et l'enjeu de la représentativité patronale

Une façon de dire que non seulement, l'enjeu de la négociation demeure, malgré les dénégations, la question de l'argent de la formation mais aussi, qu'il illustre la "guerre" que se mènent les organisations patronales alors que le ministère du Travail va très prochainement présenter ses conclusions sur une refonte des règles sur la représentativité patronales.

Règles qui seront introduites début 2014 dans un projet de loi sur la "démocratie sociale". Chaque organisation tente donc de marquer sa différence et de montrer qu'elle existe. Il ne faut, de fait, pas oublier qu'à côté du Medef, qui occupe bien souvent le devant de la scène, il y a aussi la CGPME et les artisans employeurs de l'UPA, sans parler des organisations sectorielles, dans l'économie sociale notamment.

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