Faut-il réformer le SMIC ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  949  mots
Au 1er janvier 2014, le Smic sera revalorisé de 1,1% passant à 9,53 euros bruts del'heure (Crédits : <small>Reuters</small>)
Avec l’augmentation du Smic le 1er janvier de 1,1%, sans aucun coup de pouce, les éternels débats sur l'existence même d'un salaire minimum vont être relancés. Faut-il un Smic européen, d'autres règles d'évolution...

Une revalorisation du Smic, oui, un coup de pouce supplémentaire, non. Sans surprise, le ministre du Travail, Michel Sapin, a annoncé aux membre des la Commission nationale de la négociation collective que le Smic serait augmenté le 1er janvier prochain en application des seuls mécanisme légaux… et rien de plus. Ainsi, le taux horaire du SMIC sera porté, au premier janvier prochain, à 9,53 euros bruts contre 9,43 euros depuis le 1er janvier 2013, soit 1.445.38 euros bruts mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires.

Selon le ministère,

" cette revalorisation de +1.1% permet d'assurer une progression du pouvoir d'achat des salariés dont les rémunérations sont les plus faibles compte-tenu du niveau de l'inflation (+0.6% sur l'année), tout en préservant l'emploi des moins qualifiés".

Certes, mais c'est sans compter l'augmentation de TVA de 0,4 point prévue également pour le 1er janvier… Ce que les syndicats n'ont pas manqué de rappeler aux ministres.

Smic et débats éternels

Comme chaque année, cette revalorisation du Smic va entrainer les sempiternels débats sur la nécessité même de l'existence du salaire minimum, sur son niveau, sur sa revalorisation, sur le coût du travail, etc.

A cet égard, il convient de rappeler que le salaire net moyen des employés est 1.554 euros (en 2011, selon l'Insee, mais n'aurait que faiblement progressé depuis) et que le salaire médian (50% des salariés gagnent plus et l'autre moitié gagne moins), lui, atteint 1.712 euros toujours en 2011. Et, selon un récente étude de l'Insee, au 1er janvier 2013, environ 3,1 millions de salariés, soit 13% d'entre eux, étaient rémunérés à hauteur du Smic.

Les débats sur le Smic sont donc multiples. Par exemple, certains économistes, pour limiter les conséquences de son augmentation annuelle sur les coûts salariaux des entreprises, imaginent de changer les paramètres en instituant une " tiers rémunération", ou un "tiers salaire". En d'autres termes, le Smic ne devrait pas être en totalité supporté par les entreprises. Il serait décomposé en deux parts. L'une, classique, à la charge des entreprises, alors que l'autre partie serait supportée par les pouvoirs publics (via une refonte du RSA activité, par exemple) ou par l'assurance chômage.  

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La croissance, nouveau paramètre pour la revalorisation du Smic?

Autre préconisation, il n'y a pas si longtemps, pour éviter les éternelles polémiques sur la nécessité ou pas d'accorder régulièrement un  "coup de pouce" au Smic, le candidat Hollande à la présidentielle envisageait de modifier les paramètres de sa revalorisation. L'idée était de garder le critère "inflation" mais de remplacer le critère  "moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire moyen ouvrier" par celui de la croissance du PIB.

Concrètement, chaque année, le Smic serait revalorisé en fonction de la totalité, de la moitié ou du quart de la progression du PIB constatée. François Hollande espérait même appliquer pour la première fois ce critère le 1er janvier 2013 ... Or, la croissance a été nulle en 2012 ! Donc l'idée est, pour l'instant, abandonnée.

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Le Smic est-il responsable de la compression des salaires?

Autre problème, la progression du Smic est non seulement accusée de créer du chômage (en rendant le coût du travail des salariés non qualifiés trop onéreux) mais aussi de compresser l'ensemble des salaires en raison de ses augmentations trop fréquentes et trop fortes. Ce qui expliquerait le relatif faible écart entre le niveau du Smic et le salaire médian, explique par exemple l'économiste Francis Kramarz.

Faux répondent d'autres : le faible niveau des salaires en France est surtout dû à un effet pervers du mécanisme général des allègements de cotisations patronales - appelé dispositif Fillon - qui crée une véritable" trappe à bas salaires". De fait, en France, toutes les entreprises peuvent bénéficier d'allègements de cotisations patronales de sécurité sociale, de façon dégressive, pour les salaires compris entre un et 1,6 Smic. Les entreprises seraient alors tentées de limiter les hausses de salaires pour profiter d'allègements plus importants.... Le débat perdure.

Quand l'Europe s'en mêle

Enfin, la dimension européenne de la question. Certains pays (Belgique, Espagne, Royaume-Uni, etc.) ont, à l'instar de la France, un salaire minimum. D'autres non (Italie),. L'Allemagne, pour sa part, après des années de tergiversation, est en passe de finaliser l'instauration d'un salaire minimum.

En avril 2012, un rapport européen émanant de la commission aux affaires sociales, présidée par Laszlo Andor, est venu jeter un pavé dans la mare. Afin d'explorer  les pistes pour  "une croissance plus riche en emplois" », le rapport suggère d'encourager les gouvernements nationaux à considérer le marché du travail au niveau de l'Union européenne dans son ensemble et plus seulement au niveau national. Dans ce cadre, à défaut de pouvoir "imposer ou harmoniser un salaire minimum partout au sein de l'Union(....). Nous plaidons pour la généralisation de salaires minimaux » pouvait-on y lire.

En d'autres termes, la Commission européenne prône un salaire minimum identique au niveau des secteurs professionnels. Ce salaire minimum serait donc, par exemple, différent dans la chimie et dans l'automobile... Or, en France, le Smic est le même partout. Si l'idée européenne progressait, ce serait alors l'explosion du salaire minimum français... Il n'y aurait plus un Smic mais… des Smic.