"Le cumul des mandats est une "assurance tous risques" pour exister politiquement"

Par Mounia Van de Casteele  |   |  601  mots
Julien Navarro est maître de Conférences à l'université catholique de Lille. Il est le co-auteur de "Le cumul des mandats en France: causes et conséquences", aux éditions de l'Université de Bruxelles.
Julien Navarro, maître de conférences à l'université catholique de Lille, explique que la loi sur le non cumul des mandats vise à limiter les fonctions exécutives mais pas les mandats électifs.

Alors que la loi sur le non-cumul des mandats, promesse électorale de François Hollande, pourrait être définitivement adoptée mercredi, La Tribune fait le point sur les changements concrets que cela entraînerait pour les parlementaires. Trois questions à Julien Navarro, maître de conférences à l'Université catholique de Lille et co-auteur du livre Le cumul des mandats: causes et conséquences, aux éditions de l'université de Bruxelles. 

  • Cette volonté de limiter les mandats des parlementaires, qui n'est pas nouvelle, est-elle liée à la crise et à la nécessité de réduire les dépenses publiques ?

Cette volonté de limiter le cumul des mandats est liée non pas à la crise financière mais à la crise de la représentativité. Il faut dire qu'il y a une réelle défiance à l'égard des politiques. La baisse de la participation électorale en atteste. Les sondages montrent qu'il y a moins de confiance vis-à-vis des gouvernants. Sachant que le cumul des mandats implique une concentration des pouvoirs par quelques élus. D'où le souhait de trouver les moyens de restaurer cette confiance. 

Côté dépenses, la question des rémunérations est certes importante mais ce n'est pas le principal enjeu ni la principale préoccupation en politique. Le cumul des mandats est avant tout une "assurance tous risques" pour exister politiquement. En effet, si un député-maire perd sa mairie, il garde son mandat de parlementaire et reste donc un homme politique. Il a l'assurance de pouvoir jongler entre les mandats et ainsi faire une carrière politique. Car n'avoir qu'un seul mandat s'avère fragile dans la vie politique actuelle. 

  • Pourquoi cette loi sur le non-cumul des mandats rencontre-t-elle une telle résistance ? Est-ce dû au fait que l'on demande aux parlementaires de statuer sur leur propre sort ? 

Attention : ce n'est pas la fin du cumul ! En réalité, le nombre de mandats va rester le même. Il s'agit de la fin du cumul des fonctions exécutives. Mais les mandats électifs, eux, vont demeurer. Par exemple, un député ne pourra pas cumuler cette fonction avec celle de maire, comme c'est le cas actuellement. En revanche, il pourra être conseiller municipal. De la même manière, un parlementaire ne pourra plus être Président du Conseil régional. En revanche, il pourra tout-à-fait être conseiller régional. Cela dit, la promesse de François Hollande sera tenue. 

Ensuite, effectivement, on demande aux concernés de voter cette réforme: ça ne facilite pas l'opération. 

  • S'agit-il d'une exception française ou le problème est-il le même à l'étranger? 

Le cumul des mandats existe dans la plupart des pays, mais il n'a pas la même ampleur qu'en France. On trouve peut-être 10% ou 30% de députés qui cumulent, mais ce ne sont pas des fonctions aussi importantes qu'en France, où, par exemple, Jean-Claude Gaudin est à la fois sénateur des Bouches-du-Rhône et maire (UMP) de Marseille, qui est quand même la deuxième ville de France !

Dans les autres pays, les députés ont des fonctions représentatives moins importantes. Un député allemand par exemple peut également être élu dans un Kreis (canton). Ce qui pourrait correspondre à un arrondissement en France.

Le débat se pose toutefois dans les mêmes termes qu'en France, en Belgique, au Luxembourg, et en Hongrie. Cela dit, en Belgique, si trois quarts des députés cumulent, seuls 20% ont un mandat de bourgmestre (maire). Enfin, en Hongrie, certes 40% des parlementaires sont cumulards. Mais cela reste deux fois moins qu'en France...