Pacte de responsabilité : le patronat et François Hollande se rendent coup pour coup

Par Fabien Piliu  |   |  775  mots
Les contreparties, la pomme de discorde entre l'Elysée et le patronat
En déplacement avec François Hollande aux Etats-Unis, le président du Medef ne se contente pas d’encadrer la délégation de chefs d’entreprises. Interdit lundi de conférence de presse par l’Elysée, Pierre Gattaz a évoqué les contreparties que l’exécutif comptait réclamer aux entreprises dans le cadre du Pacte de responsabilité.

Le pacte de responsabilité verra-t-il le jour ? Initialement salué par le patronat, l'initiative présentée par François Hollande lors de la Saint Sylvestre est en train de tourner au pugilat. En déplacement aux Etats-Unis avec une quarantaine de chefs d'entreprises dans le sillage du cortège présidentiel, Pierre Gattaz, le président du Medef, n'a pas mâché ses mots. " J'ai dit depuis le 1er janvier que j'accompagne ce pacte car il est nécessaire pour la France, pour nos emplois. J'attends du gouvernement qu'il me précise en mars quelle est la trajectoire de baisse de la fiscalité sur des entreprises. On ne pourra avancer au niveau des entreprises que si on redonne de l'oxygène et donc des marges aux entreprises françaises qui sont actuellement les plus faibles d'Europe ", a-t-il déclaré mardi à une poignée de journalistes.

Le Medef veut fixer des objectifs précis

Concrètement, si et seulement si la fiscalité baisse, Pierre Gattaz a indiqué que le Medef entrerait " rapidement dans les travaux avec les partenaires sociaux, le gouvernement sur, non pas des contreparties, mais des engagements de mobilisations : où peut-on créer de l'apprentissage ? Dans quelle filière ? Où peut-on créer de l'emploi ? Quel verrou faire sauter pour créer de l'emploi? ", a-t-il précisé. " Il faut arrêter de gérer par la contrainte. Aujourd'hui quand on parle de contreparties, j'entends aussi des gens qui disent 'on va vous obliger, vous contraindre, vous mettre des pénalités, si vous ne le faites pas, on va vous punir'. Il faut arrêter ce discours insupportable. On est toujours dans l'incitation négative en France (...) Il faut coincer le gars et le punir. Je ne comprends pas le mot 'contreparties' (...) il faut définir un projet commun sur la création d'un million d'emploi en cinq ans -ce qui est le projet du Medef (...) nous avons des engagements réciproques (...) l'objectif est de créer de l'emploi, de la croissance et un terreau attractif qui restaure de la confiance ", a-t-il poursuivi.

Quand la diplomatie et la préséance sont évoquées

Comment expliquer ces déclarations ? Pierre Gattaz a-t-il été piqué au vif par l'annulation de la conférence de presse que le Medef souhaitait organiser mardi, le premier jour de la visite officielle de François Hollande aux Etats-Unis. Pour justifier cette annulation, l'organisation patronale a évoqué des raisons " diplomatiques et de préséance ".

Plus probablement, le président du Medef entend riposter aux attaques venues de France. Ce mardi, réagissant devant les députés PS aux propos du président du Medef, Jean-Marc Ayrault a déclaré que le dialogue social ne pouvait pas reposer sur " des oukases ".

« Ni trique, ni fouet », pour Pierre Moscovici

Dimanche, Pierre Moscovici avait expliqué que le gouvernement ne fera "pas de cadeau unilatéral" aux entreprises sur les contreparties en termes d'emplois auxquelles elles s'engageraient en échange d'une baisse de charges dans le cadre du pacte de responsabilité. " Ni trique, ni fouet, ni conditionnalité bureaucratiquement vérifiée, en revanche, pas non plus de cadeau unilatéral ", avait déclaré le ministre de l'Economie lors de l'émission " Tous politiques " de France Inter-Le Parisien-France 24.

Vendredi, à l'issue de son entretien avec Pierre Gattaz, Harlem Désir avait lancé la première charge."J'ai dit que nous attendions du Medef qu'il s'engage très fortement sur les contreparties, sur les embauches, sur la qualité des emplois, sur la formation, mais aussi sur l'investissement en France pour développer les sites de production en France ", avait déclaré le Premier secrétaire du PS à l'AFP.

La CGPME n'est pas en reste

La CGPME est également très remontée. " La CGPME le dit et le répète : les chefs d'entreprise en période de crise n'hésitent pas à diminuer leur propre rémunération pour préserver leur entreprise et éviter de licencier ", explique la Confédération dans un communiqué, reprenant une enquête de l'Insee récemment publiée sur la rémunération des dirigeants salariés. selon cette étude, la rémunération des chefs d'entreprise de moins de 20 salariés a baissé de 6,4% en 2011 et ce, quel que soit le secteur, portant la rémunération mensuelle moyenne d'un dirigeant d'une entreprise de cette taille à 3.990 euros.

" La rémunération diminue, la marge baisse. Dans un tel contexte, les débats sur les contreparties à la baisse éventuelle des charges apparaissent bien dérisoires à ceux qui se battent au quotidien pour maintenir leur activité et garnir leur carnet de commande, quitte à se serrer la ceinture ", estime la CGPME.