Et si l'Outre-mer misait sur le tourisme ?

Par Fabien Piliu  |   |  964  mots
Le tourisme ne représente que 7 % du PIB de la Guadeloupe, 9 % de celui de la Martinique et 7,7 % de celui de la Polynésie française
La France dispose du deuxième domaine maritime mondial, derrière les Etats-Unis. Pourtant, les gouvernements successifs n’ont pas été capables de construire une politique maritime digne de ce nom, préférant tenter de dupliquer le modèle économique allemand basé sur le développement de l’industrie à l’export. En plusieurs volets, La Tribune enquête sur cet « oubli » de la politique économique gouvernementale et sur les opportunités de développement qu’offrent nos territoires ultra-marins. Dévoilé en février, le rapport annuel de la Cour des comptes met en lumière les déboires de l’activité touristique dans les territoires ultra-marins.

Le mot n'est pas employé par la Cour des comptes. Mais il vient naturellement aux lèvres de ceux qui auront parcouru le chapitre de son rapport annuel dévoilé en février consacré au tourisme outre-mer : gâchis.

Bien que ces destinations fassent rêver, que leurs plages de rêves et leurs cascades bouillonnantes ornent nos réfrigérateurs, l'industrie du tourisme est encore embryonnaire dans ces territoires au regard de leur potentiel. Selon le rapport annuel de la Cour des comptes publié en février, le tourisme ne représente que 7 % du PIB de la Guadeloupe, 9 % de celui de la Martinique et 7,7 % de celui de la Polynésie française. À La Réunion, il ne pèse que 2,6 % du PIB. 

" Le tourisme a contribué à l'emploi en 2012 pour 16 % du total des emplois en Polynésie française, 9 % des effectifs salariés à la Guadeloupe, et, à La Réunion, l'Insee l'évalue à 3,2 % de l'emploi total en 2011 avec 6.750 salariés, tandis que l'observatoire régional du tourisme en comptabilise 8.500 ", indique la Cour, rappelant l'arrêt brutal de l'essor de l'activité touristique à partir de 2008, dans le sillage des crises sanitaires et sociales qui ont secoué ces territoires qui affichent des taux de chômage de la population active très élevés. Selon l'Insee, il atteignait en 2012 28,5 % à La Réunion, 22,5% en Guadeloupe, 21% à la Martinique et 22,5 % en Polynésie française. .

Des concurrents redoutables

Comment expliquer cette baisse de la fréquentation, les crises sanitaires et sociales ne pouvant être le seule déclencheur de cette perte de vitesse du tourisme ultra-marin ? Le rapport de la Cour commence par évoquer la concurrence des îles voisines. Quand la Martinique accueillait 487.300 touristes en 2012, la République Dominicaine recevait la visite de plus de 4 millions de vacanciers. Quand cette même année, La Réunion recevait 446.500 touristes, l'Ile Maurice en accueillait le double.

Le rapport constate également le faible dynamisme des collectivités territoriales, l'ancienneté des plans de développement, qui datent de la fin des années 90 au pire et au mieux, du début des années 2000, les approches peu innovantes et la faible valorisation des atouts de ces îles.

" La qualité exceptionnelle de leur patrimoine naturel n'est pas suffisamment prise en compte. Le parc national de La Réunion, qui représente près de 40 % du territoire, a été classé en 2010 au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco pour ses cirques, ses pitons et ses remparts. La stratégie touristique réunionnaise, élaborée avant ce classement, reste silencieuse face à un produit d'appel et de notoriété majeur. La Martinique, la Guadeloupe et La Réunion sont également des destinations dotées de volcans actifs [la montagne Pelée à la Martinique, la Soufrière à la Guadeloupe et le Piton de la Fournaise à La Réunion], peu exploités pour l'image touristique de ces îles », explique la Cour qui regrette également la faible articulation entre acteurs institutionnels et entre ces derniers et les acteurs privés.

Peu de compagnies aériennes

La faible diversification de la desserte aérienne est également avancée pour expliquer la faible attractivité touristique de ces territoires. Passer par Paris est obligatoire pour tous les Européens qui ne peuvent choisir que trois ligne régulières pour relier les Antilles et La Réunion. Quant aux touristes étrangers originaires de la zone régionale proche des îles françaises, ils ont également des difficultés à accéder à ces destinations outre-mer. Un exemple, les liaisons aériennes entre la Guadeloupe et le Continent américain ne représentait que 2 % du trafic passager total de la Guadeloupe en 2012.

La forte dépendance à la métropole

Cette faiblesse explique en partie l'incapacité de ces territoires à diversifier les clientèles touristiques, la clientèle métropolitaine représentant plus de 80 % des touristes. " Cette situation de mono-clientèle constitue un double handicap pour les destinations de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Le premier est une grande sensibilité à la conjoncture économique française. Le second tient au caractère fortement affinitaire. Or le tourisme affinitaire apporte moins de recettes que le tourisme d'agrément ou le tourisme d'affaires, les dépenses liées à l'hébergement et à la restauration étant moindres ", observe la Cour.

Un accueil pas très chaleureux.

Dans des termes très policés, la Cour des comptes revient également sur le déficit d'accueil et de formation du personnel. " Aux Antilles et à La Réunion, l'adhésion de la population locale au tourisme demeure encore insuffisante. Aux Antilles, la crise sociale de 2009 et des incidents récents renforcent l'image, pas toujours justifiée, de destinations peu chaleureuses. À La Réunion, le tourisme n'est pas encore intégré comme une priorité par la population locale, par ailleurs, traditionnellement accueillante. La faible qualité de l'accueil des touristes concerne également les acteurs privés de la filière [absence de maîtrise des langues étrangères, horaires des commerces et restaurants inadaptés à une vie nocturne, accueil peu structuré à l'arrivée des navires de croisières]. La prise de conscience récente de la nécessité d'améliorer l'accueil des touristes a amené les collectivités publiques à engager des actions de sensibilisation de la population ", constate la Cour.

Une offre hôtelière insuffisante

A ces difficultés s'ajoutent les faiblesses de l'offre hôtelière, les régions d'outre-mer étant moins dotées en chambres d'hôtel que les régions métropolitaines. " Inadaptée aux fluctuations saisonnières, avec une forte tension en période de haute saison touristique mais des taux d'occupation moindres en dehors, la capacité hôtelière actuelle, avec moins de 4 500 chambres,ne permet pas d'envisager une augmentation substantielle des flux touristiques ", précise la Cour.