Les CCI pensent qu'Ayrault et Montebourg les "enfument"

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  710  mots
Depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, les Chambres de Commerce et d'Industrie (CCI) ont vu leurs budgets amputés de 20%, en plus d'une fiscalité alourdie... | REUTERS
Les Chambres de Commerce et d'Industrie ont l’impression de se faire tondre la laine sur le dos depuis mai 2012 et le projet de les passer sous tutelle des régions dans la très prochaine loi de décentralisation, vient de les faire sortir de leurs gonds. Dans leur viseur : Alain Rousset le président des régions de France et Arnaud Montebourg qui vient, lui, de demander un rapport sur la question à l’Inspection générale des Finances

"Nous sommes en train de nous faire enfumer". André Marcon, président des Chambres de commerce et d'Industrie, est très énervé contre le gouvernement. Motif : la forte suspicion qu'il a que le gouvernement, Jean Marc Ayrault et Arnaud Montebourg plus précisément, ait l'intention de faire passer les CCI sous tutelle des Conseils régionaux.

"Ce ne sera peut être pas dans le texte de loi décentralisation qui sera examiné à la fin de la semaine par le Conseil d'Etat, mais cela se fera par amendements dans la discussion parlementaire du printemps". 

 

Une addition salée depuis 2012

Il n'est en effet un secret pour personne que, malgré les assurances personnelles de François Hollande à André Marcon, le gouvernement ne sait pas trop quoi faire des CCI : elles ont le désavantage d'être des établissements publics alimentés par des taxes publiques et de se retrouver souvent en concurrence avec les agences et services des collectivités, en particulier des régions.

"La manoeuvre est simple. D'un coté on réduit les financements des régions, explique Pierre Antoine Gailly le patron de la CCI Paris Ile de France, et de l'autre le gouvernement essaie de compenser en tapant dans nos caisses pour donner aux régions. Michel Sapin nous a déjà fait le coup avec la loi sur l'apprentissage. "


Il faut dire que depuis mai 2012 l'ardoise est salée. Jacques Pfister, le président de la CCI de Marseille, a fait ses comptes :

"On nous a ratiboisé notre budget de 20% d'entrée de jeu. A Marseille nous sommes donc passés de 50 à 40 millions de recettes. Après on nous a supprimé les rôles supplémentaires que nous avions (3 et 4 millions encore en moins), puis on nous a ajouté une taxe sur les personnels d'1 million, des coûts d'harmonisation de plus de 1 million et , en fin de course, la réforme de la taxe d'apprentissage (entre 3 et  4 millions en moins) ! C'est normal que la bête se réveille».

Et "la bête" se réveille d'autant plus énervée que, selon elle la discussion avec le gouvernement n'est pas franche.

 
La fiscalité au second plan 

Ainsi, au début du mois de janvier les CCI ont été reçus par Bernard Cazeneuve. Le ministre du Budget leur a dit vouloir une remise à plat rapide de la fiscalité des CCI et aboutir rapidement à un accord triennal. Les CCI se sont mises au travail. Entre temps, les présidents de région (fortement agacés, eux, par la création des métropoles et des pouvoirs économiques qu'elles risquaient de perdre) sont allés à Matignon et à l'Elysée demander, (entre autres choses) la tutelle sur les CCI. Le résultat ne s'est pas fait attendre : les CCI se sont retrouvées la semaine dernière, dans un nouveau round de négociation ou le cabinet d'Arnaud Montebourg avait repris la main : plus question de parler fiscalité comme le demandait Cazeneuve (ou Sylvia Pinel leur troisième ministre de tutelle) mais uniquement décentralisation, donc mise sous tutelle éventuelle.

Les questions de fiscalité et de nature des missions des CCI  seraient elle réglées par l'Inspection générale des Finances à qui Arnaud Montebourg a confié une mission à l'Inspection générale des Finances. Et, comme cette dernière ne doit pas se pencher sur les mêmes missions (aides aux entreprises, à l'international) exercées par les Régions, les CCI ont l'impression de se faire flouer !

Unir le patronat contre lui, la première performance du gouvernement

Alain Rousset, le président de l'Association des Régions de France ainsi que deux ou trois autres présidents de région ont bien sûr téléphoné à André Marcon pour lui jurer que ce dernier leur prêtait des sentiments qu'ils n'avaient nullement. André Marcon ne les a pas totalement cru. Et, c'est une première, a cosigné une tribune dans la presse avec Pierre Gattaz du MEDEF et Jean François Roubaud de la CGPME, "la décentralisation au mépris des entreprises". Réunifier le monde patronal contre lui, c'est la première performance gouvernementale dans cette deuxième partie de la loi décentralisation qui s'annonce aussi pagailleuse que la première