Croissance : et si Manuel Valls avait de la chance ?

Par Fabien Piliu  |   |  729  mots
Le nouveau Premier ministre pourrait bénéficier d'une conjoncture plus favorable que prévu
Le nouveau Premier ministre et son équipe gouvernementale pourrait bénéficier d’une reprise plus importante que prévu de l’activité cette année.

Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici auraient peut-être quelques raisons d'enrager. Non reconduits dans leurs fonctions, l'ancien Premier ministre et son ministre de l'Economie et des Finances n'auront pas la joie de se réjouir officiellement d'une reprise possible de l'activité.

Leur déception pourrait être accentuée par le fait que cette reprise devrait être plus importante que prévu selon l'Insee. Dans la note de conjoncture dévoilée ce jeudi, les experts de l'Institut tablent en effet sur une augmentation de 0,1% et 0,3% du PIB au premier et au deuxième trimestre. Ces performances ne sont pas réellement exceptionnelles. Mais comme elles interviennent après un quatrième trimestre plutôt solide, période au cours de laquelle le PIB a augmenté de 0,3%, l'Insee estime à +0,7% l'acquis de croissance à la fin juin. En clair, si l'activité reste stable aux troisième et au quatrième trimestres, la croissance annuelle s'élèverait à 0,7% en 2014.

Pas de crise majeure en vue

Concrètement, il faudrait que l'économie française subisse un sérieux choc exogène pour que l'objectif de croissance du gouvernement ne soit pas atteint. Inscrit dans la loi de finances 2014, celui-ci a été fixé à +0,9%. Pour l'instant, rien ne laisse augurer une envolée brutale des cours des matières premières même si une étude dévoilée par PWC appelle à la vigilance. En effet, 46% des dirigeants interrogés par le cabinet de conseil déclarent que la pénurie de ressources naturelles et le changement climatique auront prochainement un impact sur leurs activités.

Une nouvelle crise financière, entrainant par exemple un blocage total du crédit aux ménages et aux entreprises, est-elle envisageable ? Pour l'instant, rien ne laisse augurer une telle éventualité. L'Insee évoque également le risque d'une escalade internationale du conflit entre l'Ukraine et la Russie. " Il serait, le cas échéant, très difficile d'anticiper les conséquences macroéconomiques ", estime l'Institut

Une croissance toujours bancale

Comment expliquer cette reprise moins poussive que prévu ? Tous les moteurs de l'économie sont-ils en état de marche ? Ce n'est malheureusement pas tout à fait le cas. Certes, l'investissement des entreprises repart (+0,4% à la fin juin). Mais sa progression est insuffisante pour prendre le relais de la demande intérieure qui reste le principal pilier de la croissance. En cause, un taux de marge qui, à 28% reste proche du plancher historique de 27,9% atteint en 2013. Selon l'Insee, le taux de marge souffrirait au premier semestre de la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui " enrichirait la croissance en emploi et donc freinerait le redressement de la productivité à hauteur de -0,2 point. D'autre part, il contribuerait à différer la répercussion dans les prix de la hausse de la TVA au 1er janvier : les entreprises en absorberaient une partie d'ici fin juin, soit une contribution de -0,3 point sur leur taux de marge ", explique l'Institut.

Quant au commerce extérieur, il continue de peser sur la croissance, malgré la l'augmentation continue des exportations.

Le pouvoir d'achat est en hausse.

Cette reprise s'explique donc essentiellement la relative robustesse de la consommation des ménages. Après avoir pâti de l'augmentation du taux de TVA mais également de la clémence du climat cet hiver - qui a entraîné de moindres dépenses en énergie -, la consommation de ménages bondirait de 0,6% au deuxième trimestre après avoir reculé de 0,3% trois mois plus tôt, impulsée par l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. Au premier semestre 2014, dans un contexte de faible inflation, celui-ci se redresserait (+1,0 % puis +0,1 % aux deux premiers trimestres) après avoir légèrement fléchi fin 2013 (-0,2 % au quatrième trimestre). «  En effet, début 2014, les revenus d'activité progresseraient sur un rythme stabilisé, tandis que les impôts, après des hausses fin 2013, se replieraient par contrecoup au premier trimestre », explique l'Insee.

Une reprise trop faible

Cette bonne surprise relative permet-elle d'inverser enfin la courbe du chômage, un objectif que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault espérait atteindre à la fin de l'année 2013 ? L'Insee n'y croit pas. Selon ses prévisions, le taux de chômage serait stable à 10,2% de la population active à la fin juin. En France métropolitaine, il se maintiendrait à 9,8%. Pour Manuel Valls, comme ce fut le cas pour son prédécesseur, le plus dur commence.