A quoi sert le pacte de responsabilité si l’euro continue de s’apprécier ?

Par Fabien Piliu  |   |  611  mots
Une hausse de l'euro de 10% pourrait provoquer la destruction de 74.000 emplois au bout de trois ans
Une étude de l’OFCE simule les conséquences macroéconomiques d’une appréciation de 10% de la monnaie unique par rapport au dollar. Elles sont catastrophiques. Si cette hypothèse devait se réaliser, les effets positifs du pacte de responsabilité sur la compétitivité des entreprises seraient minimes.

Et si l'euro continuait de s'apprécier ? Cette hypothèse, que peu d'économistes écartent aujourd'hui, est-elle une véritable menace pour l'économie française ? Les économistes de l'Observatoire français de conjonctures économiques (OFCE) en sont persuadés. Après avoir rappelé le double effet d'une hausse de la monnaie unique sur le commerce extra zone euro - un effet de revenu via la baisse des prix des importations, notamment énergétiques, et un effet de substitution, un euro fort renchérissant le prix des exportations et réduisant ces dernières -, l'OFCE détaille les effets de ce qui ressemble à un scénario catastrophe. Actuellement, le taux de change dépasse 1,38 dollar pour un euro, très loin du consensus de 1,25 établi en début d'année par les économistes. La loi de finances 2014 a construit le budget de la France avec pour hypothèse un taux de change euro/dollar à 1,30.

Quels en seraient les ressorts ? " Une appréciation de 10 % de l'euro face à l'ensemble des monnaies entraîne une perte de compétitivité-prix à l'exportation pour la France vis-à-vis du reste du monde. Les autres pays de la zone euro bénéficient de la même perte de compétitivité sur l'ensemble des marchés à l'exportation ", expliquent Éric Heyer, Marion Cochard, Bruno Ducoudré et Hervé Péléraux, les auteurs de cette étude.

Des destructions d'emplois

Selon leurs calculs, l'effet sur l'activité serait de -0,3 % la première année puis de -0,5 % au bout de trois ans. Ce n'est pas tout. Même si la baisse de demande adressée entraînée par la dégradation de l'activité chez nos partenaires européens serait globalement compensée par l'amélioration de la demande adressée à la France par le reste du monde, les conséquences d'une telle appréciation sur le marché du travail provoquerait selon l'OFCE une destruction de 22.000 emplois la première année de 74.000 emplois au bout de trois ans.

Mécaniquement, les finances publiques seraient également impactées. Le solde public de son côté se dégraderait de 0,3 point de PIB à l'horizon de trois ans.

L'effet du pacte de responsabilité dilué

Dans ce contexte, les effets des mesures contenues dans le pacte de responsabilité pour redresser la compétitivité-prix des entreprises françaises pourraient être en partie dilués.

Certes, elles devraient permettre le redressement de la compétitivité des entreprises par rapport à leurs concurrentes de la zone euro, qui sont leurs principales clientes. La perte de compétitivité du made in France hors zone euro serait en partie compensée.

Mais ce redressement ne sera pas immédiat, un certain nombre de mesures, comme la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS), étant étalées dans le temps.

Pourquoi investir ?

Quant à la restauration de la compétitivité hors-prix des produits français, elle pourrait être limitée si la demande en France et en Europe reste atone. Parce que leurs entreprises affichent toujours des surcapacités de production, leurs dirigeants ne seront pas incités à investir et à moderniser leurs outils de production si les carnets de commande sont peu garnis.

Pour l'instant, comme le révèle l'étude CapEx de GE Capital, les intentions d'investissements sont élevées. L'Insee n'anticipe-t-elle pas une hausse de 3% de l'investissement industriel cette année, après une chute de 7% en 2013 ?

Mais, imaginer que le plan de 50 milliards d'économies dévoilé par Manuel Valls cette semaine, ainsi que la course au redressement des comptes engagée dans la plupart des pays de la zone euro, puissent stimuler la demande semble être un raisonnement baroque.