"50 milliards d'économies, ce n'est ni socialement ni économiquement souhaitable"

Par Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut  |   |  581  mots
Le vice-président (PS) de la commission des finances de l'Assemblée nationale explique en quoi le plan Valls fait fausse route
Le député (PS) du Rhône et vice-président de la commission des finances de l'Assemblée nationale explique en quoi le plan Valls d'économies de 50 milliards d'euros est inefficace et peu adapté à la conjoncture. Il propose de limiter l'effort à 35 milliards et de baisser les impôts des ménages.

Une centaine de députés socialistes, toutes mouvances confondues, ont pris leur plume pour écrire au Premier ministre Manuel Valls afin de lui signifier que son plan d'économies de 50 milliards est socialement et économiquement  inacceptable : 

« Nous estimons dangereux économiquement, car conduisant à asphyxier la reprise et l'emploi, et contraire aux engagements pris devant nos électeurs, ce plan de 50 milliards d'économies sur la période 2015-2017. Au-delà de 35 milliards, nous croyons que reculs sociaux et mise à mal des services publics seront inéluctables », attaquent les élus qui s'« opposent au gel des prestations sociales, qui atteindrait des millions de familles modestes ».

Parmi ces élus de la majorité « frondeurs » figure Pierre-Alain Muet, économiste, député PS du Rhône et vice-président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Il explique les raisons de sa colère.

Pourquoi une telle réaction face au plan d'économies du Premier ministre ?

-  50 milliards d'euros sur trois ans, c'est près de 17 milliards par an d'économies sur les dépenses publiques. Soit un montant supérieur à l'année la plus lourde, 2012 où il y avait eu 10 milliards d'économies. Avec de tels montants, on va entamer les politiques sociales, par exemple avec le gel des prestations jusqu'à l'automne 2015. Or, ceci n'est ni socialement ni économiquement souhaitable

Que préconisez-vous alors ?

-        Il ne faut pas croire que les 50 milliards vont essentiellement servir à la réduction des déficits. En réalité, ils vont surtout permettre de financer les allègements de cotisations patronales supplémentaires décidés dans le cadre du pacte de responsabilité qui vont atteindre 10 milliards par an à partir de 2016.  Nous disons donc, ne faisons pas 50 milliards d'économies sur trois ans, mais seulement 35 milliards, ce qui représente tout de même déjà environ 12 milliards par an. En contrepartie, renonçons à porter jusqu'à 10 milliards par an les allègements de cotisations patronales supplémentaires. Les entreprises bénéficieront déjà à plein à partir de 2015 des 20 milliards d'allègements du CICE. Et recyclons les sommes ainsi récupérées en moindre réduction de dépenses pour éviter le gel des prestations sociales et la baisse de l'investissement des collectivités locales et pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages, essentiel à la reprise économique.  Ce qui me semble nettement plus adapté à la conjoncture.

Oui, mais ce plan de 50 milliards est aussi destiné à convaincre l'Europe de notre volonté de diminuer les déficits ?

- Déjà, pour convaincre l'Europe et pour remplir nos objectifs de réduction des déficits, je crains que 50 milliards d'euros ne suffisent pas si le gouvernement porte de 20 à 30 milliards par an l'ensemble des  allègements sur les entreprises. Je dis qu'il faut stopper cette logique d'austérité. Il nous faut renégocier l'ensemble des politiques de la zone Euro, notamment en reprenant l'esprit du Pacte de Croissance, lancé par François Hollande et adopté par le Conseil européen en 2012, qui n'a pas été réellement mis en oeuvre.  La France a les moyens politiques de le faire. L'actuelle Commission Barroso est une Commission sortante qui s'est totalement décrédibilisée. Elle n'a réussi qu'à créer une récession d'une ampleur jamais vue depuis celle des années 1930… On a multiplié les plans d'austérité sans aucune coordination européenne. La France doit oser et proposer une autre politique à ses partenaires, dans la perspective de la nouvelle Commission qui se mettra en place après les élections.