Réforme territoriale : Hollande perd-t-il son temps ?

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  803  mots
Le président préfère faire cavalier seul sur la réforme territoriale. Et il a tort. | REUTERS
François Hollande semble dans un exercice de plus en plus solitaire du pouvoir. Cela explique la faible qualité de la réforme des régions et laisse présager des débats inutiles et violents au Parlement. Tout cela pour une carte territoriale qui pourra, dès la loi passée, être remise en cause par les élus locaux et bouleversée dans la foulée.

« Il écoute, il prend du temps pour écouter, il entend les arguments et il les discute, mais rien n'en ressort jamais ». C'est un proche de François Hollande qui parle ainsi. Quelqu'un du « deuxième cercle » avec qui le Président a pris l'habitude de passer une heure de temps en temps pour prendre conseil. Comme quelques autres, il ne comprend plus très bien à quoi servent ses conseils, ses analyses, ses notes. La manière dont a été élaborée la fusion des régions est le parfait exemple de cet exercice de plus en plus solitaire du pouvoir que pratique désormais le Président. Sans suivre aucun conseil et sans maîtriser les finesses du sujet.


Manuel Valls sur la touche

Le Premier ministre est à peine consulté et il a pour l'instant perdu la course à l'échalote. François Hollande n'a eu de cesse de reprendre la main sur son Premier ministre depuis que celui-ci  dans son discours d'investiture avait annoncé ses objectifs en matière de simplification territoriale. Manuel Valls a du finalement laisser la priorité à l'Elysée et laisser le Président à la manœuvre.

Sans être totalement convaincu semble-t-il : en déjeunant avec les ministres du gouvernement mardi, il a, un peu énervé par les critiques de certains sur la carte territoriale du Président publiée le matin même, dit clairement que « c'était comme cela » et que les ministres mécontents avaient toujours la possibilité de laisser leur portefeuille. Manuel Valls a bien tenté d'arranger certains dossiers comme celui de la Picardie : il a suggéré à Martine Aubry de fusionner la Picardie au Nord Pas de Calais et lui aurait même soufflé, pour éviter que cette région nouvelle soit offerte à Marine Le Pen, qu'elle soit elle-même candidate aux régionales. Échec.

 

L'exemple édifiant de la Bretagne 

Le Président a tout géré seul. L'histoire de la Bretagne est exemplaire : le Président de la République a appelé lui-même Johanna Rolland, la maire de Nantes lundi à midi pour lui dire sa préférence d'une fusion Pays de Loire - Bretagne et s'assurer de son soutien. Mais à 15 heures, il a reçu Jean Yves Le Drian qui rêve de refaire la Bretagne historique - c'est-à-dire avec l'annexion de la seule Loire Atlantique, mais pas avec les Pays de Loire. Jean Yves Le Drian « retourne » le Président : la Bretagne se retrouve de nouveau seule mais la Loire Atlantique a un « droit d'option » pour la rejoindre.

Du coup, à peine Jean-Yves Le Drian sorti de l'Elysée, François Hollande appelle le président des Pays de Loire Jacques Auxiette pour lui proposer la fusion de sa région avec Poitou Charentes. Jacques Auxiette souhaitait le rattachement à la Bretagne mais il accepte. Tout cela pour apprendre à 21 heures qu'il est en fait tout seul. Jacques Auxiette a préféré en rire. Mais est-ce le rôle d'un Président de la République de négocier des frontières administratives avec des élus et, surtout d'y passer ses journées ? 

 

Du temps perdu 

S'il avait été bien conseillé (ou s'il avait écouté les conseils qui lui ont peut-être été donnés, nul ne sait), François Hollande aurait saisi que la plupart des débats et polémiques qu'il initiait ne servaient à rien. Manuel Valls s'est ainsi opposé à Jean-Yves Le Drian sur la possibilité les départements puissent avoir l'option de choisir. La loi sera donc présentée sans ce droit d'option. Mais, en fait, cela ne changera rien : la loi de 2010 du gouvernement Fillon donne déjà cette possibilité d'option et la Loire Atlantique pourra parfaitement demander son rattachement à la Bretagne dès 2015. Les deux Charentes que Dominique Bussereau aimerait voir rattachées à l'Aquitaine pourront aussi le faire et Alain Rousset, le Président de l'Aquitaine se fera un plaisir de les accueillir. Comme il accueillera avec beaucoup de plaisir le Gers et les Hautes Pyrénées. Ce que François Hollande est en train de faire, peut être défait dès 2015.

C'est du temps perdu. Et un gisement de dissensions inutiles avec sa propre majorité : les sénateurs sont majoritairement hostiles au texte et ils sont remontés par des présidents de conseils départementaux qui n'ont absolument pas apprécié la manière de leur annoncer leur mort programmée. Matignon ne s'attend pas à ce que le Sénat adopte la réforme. Avec les députés ensuite, certains pouvant avoir la tentation de refaire la carte du Président et de remettre sur le tapis, Jean Marc Ayrault la question de la Loire Atlantique ou de la région Poitou Charentes-Centre-Limousin. Tout ça pour ça ?

 

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