Le retournement de l’économie française sera-t-il vigoureux ? Moody’s en doute

Par Fabien Piliu  |   |  577  mots
La croissance française sera davantage soutenue par la consommation des ménages que par l'investissement, selon Moody's. | REUTERS
Dans une note sur l’économie française, la filiale spécialisée dans la gestion du risque de l’agence de notation indique que la reprise restera modérée. La frilosité des banques, qui financent l'essentiel des investissements du secteur privé, est pointée du doigt.

Certes, reprise il y a. Mais contrairement à ce que martèle gouvernement, pour qui le " retournement " de l'économie française est d'ores et déjà en train de se produire, l'accélération de l'activité est à relativiser. Moody's Analytics, la filiale gestion du risque de crédit et du risque d'entreprise de l'agence de notation américaine vise en effet une hausse de 1,1% du PIB cette année, bien loin de sa moyenne de long terme qui s'élève à 1,8%.

Quels seront les moteurs de cette timide reprise ? Moody's Analytics table sur la résistance de la… consommation des ménages ! " Résultat, le commerce extérieur devrait contribuer négativement à la croissance ", avance Martin Janicko, économiste chez Moody's Analytics, la consommation soutenue se traduisant par une augmentation quasi mécanique des importations, l'industrie française ne produisant plus depuis longtemps un certain nombre de biens, notamment électroniques et textiles.

L'investissement est en panne

Quid de l'investissement ? C'est là que le bât blesse estime Moody's Analytics. Alors que la dernière enquête de conjoncture menée par l'Insee auprès des industriels anticipe une augmentation de 4% de la formation brute de capital fixe des sociétés non financières cette année, l'agence de notation est beaucoup plus pessimiste sur ce point.

" L'investissement est freiné par le faible taux de marge des entreprises mais également par la frilosité des banques à venir en aide au secteur privé et tout particulièrement aux PME ", constate Martin Janicko qui estime à 60% en moyenne la part des crédits effectués accordés aux entreprises.

Des cas de faillites

Une frilosité récurrente qui, estime l'économiste, se traduit aussi par des tensions persistantes sur les trésoreries des entreprises et expliquerait un nombre important de faillites, les entreprises françaises ne pouvant se passer des banques pour financer leurs projets de court, moyen ou long terme.

Le poids écrasant de l'intermédiation bancaire

Selon les donnée recueillies par l'Institut Montaigne, ASMEP-ETI et E&Y compilées par le fond d'investissement Nextstage, 92% du financement des entreprises provient des prêts bancaires en France, contre 74% en Allemagne, 51% au Royaume-Uni et 21% aux Etats-Unis. De l'autre côté de l'Atlantique, les investissements sont financés à 17% par les business angel, à 20% par le capital-risque et à 42% par les introductions en bourse. En France, le capital risque représente 7% du financement des entreprises et les introductions en bourse 1%. Le poids des business angels est trop faible pour être précisé…

Dans ce contexte, le Pacte de responsabilité proposé par le gouvernement pour restaurer, notamment via un allègement du coût du travail, la compétitivité des entreprises, est-il de nature à inverser l'ordre des choses ? Martin Janicko ne l'envisage pas. « Estimés à 40 milliards d'euros, les allègements sociaux et fiscaux pour les entreprises ne pourront à eux seuls accélérer la reprise », anticipe Martin Janicko.

Des perspectives peu avenantes

" Les données d'enquêtes auprès des chefs d'entreprises ne laissent pas imaginer une accélération brutale de l'activité manufacturière au cours des prochains mois. Le ratio des nouvelles commandes sur stocks dans l'enquête PMI/Markit suggère toujours une évolution très limitée. Dans l'enquête de l'insee auprès des chefs d'entreprise dans l'industrie, les commandes sont faibles également, en dessous de leur moyenne de long terme. Cette absence de ressort sera problématique pour le profil de la croissance 2014 ", indique Philippe Waechter chez Natixis Asset Management.