Ces très riches qui échappent à l'ISF

Par Ivan Best  |   |  930  mots
Liliane Bettencourt avait largement bénéficié du bouclier fiscal, remplacé par un plafonnement des impôts à 75% des revenus (Crédits : reuters.com)
L'impôt de solidarité sur la fortune va rapporter plus de cinq milliards à l'Etat, cette année, un record. Mais ce pourrait être beaucoup plus, car beaucoup de contribuables très fortunés parviennent à y échapper, totalement ou partiellement

 Les contribuables ont jusqu'à ce lundi 16 juin pour transmettre au fisc leur déclaration de patrimoine, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cet impôt est sensé frapper la totalité de la fortune des particuliers, au-delà de 1,3 million d'euros de patrimoine net de dettes. On s'attend à ce qu'environ 300.000 foyers fiscaux paient cette année l'ISF, loin du record des 565.926 contribuables de l'année 2008, quand cet impôt était applicable à tout patrimoine supérieur à 800.000 euros.

L'ISF rapportera plus de cinq milliards d'euros à l'Etat, cette année (5,3 milliards selon le dernier collectif budgétaire), mais ce pourrait être encore beaucoup plus. Car de nombreux contribuables y échappent totalement ou partiellement: nombreux sont les moyens, plus ou moins détournés, mais toujours légaux, permettant de l'alléger voire de l'annuler.

Il est vrai que ces ficelles sont avant tout à la disposition des plus riches parmi les contribuables fortunés, qui, à un certain âge, peuvent se permettre de vivre sur leur patrimoine accumulé, sans revenus.  Car, le plus simple, pour échapper à cet impôt, est de faire jouer le système de plafonnement en fonction du revenu. Tant décrié, le bouclier fiscal version Sarkozy a été supprimé -par l'ancien président lui-même-, mais, en alourdissant le barème, François Hollande a été contraint -notamment par le conseil constitutionnel- de le rétablir peu ou prou.

"Travailler" le revenu

Certes, plus question d'un chèque envoyé au contribuable, comme c'était le cas avec le bouclier. Mais, le total de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux est plafonné à 75% du revenu, ce qui correspond bien au principe de feu le bouclier (même si le chiffre retenu était plus avantageux, puisque fixé à 50%).

Des impôts qui absorbent 75% du revenu, cela peut paraître important, voire presque confiscatoire. Sauf que… comme le disent les gestionnaires de patrimoine, « le revenu, ça se travaille ». Autrement dit, il est relativement aisé pour un contribuable très fortuné de limiter son revenu à presque rien. Or, 75% de presque rien… ça ne représente pas grand'chose…

 L'assurance vie, d'abord

 La technique la plus courante consiste à utiliser l'assurance vie. Un chef d'entreprise y placera l'essentiel du fruit de la vente de sa PME, par exemple. L'intérêt est que les revenus tirés chaque année de l'assurance vie ne sont pas considérés comme tels : le fisc le voulait, les députés l'ont voté, mais le conseil constitutionnel a annulé le 29 décembre 2013 cette disposition de la loi de finances pour 2014, au motif que les revenus capitalisés sur un contrat d'assurance vie ne sont pas encore perçus. Pas de revenu, du point de vue du fisc, donc le système de plafonnement peut jouer à plein.

Mais de quoi notre contribuable avisé peut-il alors vivre, puisque son argent est intégralement placé en assurance vie ? Il peut en retirer une partie, et seule une très petite fraction sera assimilée à du revenu. Il peut aussi vivre d'un emprunt, nanti par ses contrats d'assurance-vie. Des prêts à court terme peuvent être a souscrits à des taux très intéressants, inférieurs au rendement de l'assurance vie, même pour les fonds en euros.

 La tontine ?

Les contribuables qui ne veulent pas s'embarrasser avec la question du plafonnement des impôts peuvent même opter pour un placement qui échappe totalement à l'ISF, étant exclu du patrimoine imposable,  c'est la tontine (possible avant l'âge de 70 ans) : le principe est de bloquer  les fonds pour 10 ans ou plus, sachant qu'en cas de décès pendant cette période d'indisponibilité, l'argent est perdu. Il est possible d'éviter ce risque en souscrivant une assurance décès, en contrepartie.

 Le pacte Dutreil, pour les familles propriétaires d'entreprise

Tous les membres d'une famille propriétaire d'une entreprise ne peuvent prétendre jouer un rôle dirigeant dans celle-ci, et échapper ainsi à l'ISF au titre de « l'outil de travail ». Mais le cousin du principal actionnaire, par exemple, qui détient 1% de l'entreprise, peut entrer dans un pacte d'actionnaire de type Dutreil. Dans ce cas, la valeur de sa participation est réduite de 75% au titre de l'ISF…

 Œuvres d'art, forêts, donations : réduire le patrimoine taxable

En investissant dans les œuvres d'art -totalement détaxées-, dans des forêts -détaxées aux trois quarts- il est possible de réduire la base taxable. S'agissant des forêts ou des vignobles, des véhicules financiers permettent d'éviter d'être propriétaire en direct.

 Immobilier : ça se complique

L'ISF devient de plus en plus un impôt sur l'immobilier. Car il est plus complexe de « détaxer » ce type de patrimoine. Il est possible de réduire l'imposition par le biais d'une donation temporaire d'usufruit, à un enfant, par exemple. Mais cela ne peut jouer sur tout un immeuble.

L'autre solution peut consister à passer par le statut de louer en meublé professionnel (LMP). Mais plusieurs conditions sont nécessaires - dégager au moins 23.000 euros de revenu fiscal, qui doivent représenter au moins 50% des revenus professionnels- et le contribuable est soumis à des charges sociales sur ses revenus. Un montage intéressant dans certains cas seulement, donc.

Beaucoup de particuliers placent leurs biens immobiliers dans des Sociétés civiles immobilières (SCI), ce qui permet d'obtenir, au moins, une décote.

 Investir dans des PME

Nicolas Sarkozy avait instauré une réduction de 75% de l'ISF, plafonnée à 50.000 euros, pour l'investissement dans une PME. Mais cet avantage n'est plus que de 50%. Et la rentabilité est incertaine.