La Cour des comptes s'inquiète de la réalité des économies budgétaires

Par Ivan Best  |   |  613  mots
Le déficit public pourrait atteindre 4% du PIB -voire un peu plus- en 2014, estiment les magistrats. Au delà, pour les années suivantes, ils soulignent l'absence de documentation d'une grande part des 50 milliards d'euros d'économies annoncées

Et dire que François Hollande avait fait campagne, en 2012, sur la réduction du déficit public à 3% du PIB en 2013... Selon le rapport de la cour des comptes sur "la situation et les perspectives des finances publiques", publié ce mardi matin, le déficit pourrait encore atteindre 4% du PIB en 2014. Ce dérapage par rapport à la prévision de Bercy (3,8% du PIB) tiendrait avant tout à la faiblesse des recettes.

La Cour souligne l'incertitude sur la prévision de croissance (+1% pour le PIB cette année) dont on sait qu'elle sera difficile à atteindre, après la stagnation du premier trimestre. Il pourrait en résulter des recettes inférieures aux prévisions. En outre, relèvent les magistrats, le gouvernement a peut-être surestimé l'élasticité de certains prélèvements obligatoires par rapport à la croissance: il a tendance à prévoir, pour une hypothèse donnée de hausse du PIB, une progression spontanée des rentrées fiscales supérieure à la réalité. Cet aléa jouerait sur deux à trois milliards de recettes en moins, par rapport aux prévisions.

Au total, le déficit de l'ensemble des administrations pourrait donc déraper de 4 milliards (0,2 point de PIB), par rapport à la prévision du gouvernement, et atteindre 4% du PIB, si la croissance est conforme aux prévisions. Il pourrait même dépasser les 4% du PIB si l'activité n'augmente pas comme prévu.

En tout état de cause, la dette publique dépassera 2.000 milliards d'euros fin 2014, estiment les magistrats.

 Sur 50 milliards d'euros d'économies annoncées, 30 milliards peu documentées et incertaines

Comment atteindre, dans ces conditions, le fameux plafond des 3% dès 2015? La question se pose d'autant plus que la Cour semble douter de la réalité des économies envisagées sur les dépenses, les fameux 50 milliards d'euros annoncés sur la période 2015-2017.

Sur des 50 milliards, souligne la cour,

Une partie de ces économies est déjà acquise (réforme de 2013 des régimes de retraite complémentaires, gel du point d'indice de la fonction publique notamment) et d'autres se situent dans la prolongation d'efforts déjà réalisés (par exemple pour ramener la croissance de l'ONDAM à 2,4 %, moyenne des quatre dernières années).

Mais surtout,

Les économies supplémentaires, qui représentent environ 30 milliards, sont encore peu documentées et certaines sont incertaines car elles devront être réalisées par des administrations publiques dont l'État ne maîtrise pas les dépenses : les régimes complémentaires d'assurance vieillesse, l'Unédic et, surtout, les collectivités territoriales à hauteur de 11 milliards. Le programme de stabilité suppose ainsi que chaque baisse de 1 euro des dotations de l'État entraînera immédiatement une économie de 1 euro sur les dépenses des collectivités locales. Or ces dernières peuvent compenser en partie la baisse de leurs dotations par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement

 Rien ne les oblige, en effet, à baisser leurs dépenses.

Au total, alors que la probabilité s'amenuise de voir les déficits publics réduits à 3% du PIB en 2015, compte tenu d'une croissance toujours très faiblarde voire proche de zéro, ainsi que le soulignaient dès le mois d'avril les experts de Xerfile programme de stabilité, qui prévoit de ramener le déficit à 1,3% du PIB en 2017, à l'aide d'une croissance atteignant 2,25% en 2016 et 2017, apparaît déjà caduc, alors qu'il a été transmis à Bruxelles fin avril...

 Les objectifs de déficit ne sont donc pas atteints, et ce alors même que les baisses d'impôts et de prélèvements obligatoires apparaissent nettement moins élevés que ne l'affiche le gouvernement.