"Non, l'employeur ne peut pas modifier votre contrat de travail unilatéralement"

Par Romain Renier  |   |  467  mots
"Dans le cas étudié par les juges, l'employeur n'a pas respecté le contrat, et l'employé peut toujours intenter une action pour obtenir les sommes qui n'ont pas été payées," explique Jean-François Cesaro, professeur et chercheur en droit social et droit du travail à l'Université Paris II - Panthéon Assas. (Photo : Reuters)
Votre employeur ne peut pas modifier votre contrat comme bon lui semble. C'est pourtant ce que laissait penser un arrêt de la Cour de cassation la semaine dernière. Explications.

"Votre patron va pouvoir modifier votre contrat de travail". C'est sous ce titre digne de provoquer une vive polémique que la presse a évoqué un récent arrêt de la Cour de cassation. Dans ce dernier, la Cour refusait de prononcer un licenciement et les indemnités qui vont avec en faveur d'un salarié, alors que son employeur avait baissé sa rémunération.

Il faut dire que pour le profane, l'argumentaire de la Cour de cassation manquait de clarté. Mais la réalité est parfois loin des apparences, et dans les faits, les juges ont plutôt ouvert la voie au maintien de la relation de travail tant que celle-ci peut raisonnablement continuer. Explications de Jean-François Cesaro, professeur et chercheur en droit social et droit du travail à l'Université de Paris II - Panthéon Assas..

Pouvez-vous nous expliquer la décision prise par les juges de la Cour de cassation le 12 juin dernier ?

Il s'agit du cas d'un VRP auquel l'employeur a imposé une baisse de son taux de commission. Dans les faits, il perdait sur cinq années l'équivalent de 80 euros par mois. Au bout de six ou sept années, il a saisi le juge pour résilier le contrat parce que l'employeur en a changé unilatéralement les termes. La Cour de cassation a finalement rejeté son action car au vu de la faiblesse du montant, le manquement de l'employeur n'était pas suffisamment grave pour mettre fin au contrat.

Il n'y a donc pas de révolution dans l'air ?

Non pas du tout. Plutôt une évolution. Avant, la Cour de cassation considérait que le plus petit manquement suffisait à rompre le contrat. Désormais, un petit manquement ne justifie pas la rupture de la relation contractuelle. Mais cela ne signifie pas que l'employeur peut modifier le contrat de son propre chef parce qu'il s'agirait de petites modifications. Ce serait aberrant !

Dans le cas étudié par les juges, l'employeur n'a pas respecté le contrat, et l'employé peut toujours intenter une action pour obtenir les sommes qui n'ont pas été payées.

Pourquoi une telle évolution ?

Elle s'inscrit dans un mouvement plus global qui vise au maximum à maintenir la relation de travail tant que les manquements du salarié ou de l'employeur sont raisonnablement supportables.

Elle a suivi ce principe récemment pour la prise d'acte. La prise d'acte signifie qu'un salarié décide de rompre de lui même le contrat qui le lie à l'employeur parce qu'il en a assez des manquements répétés de son patron. Désormais, l'employé doit prendre acte dans un temps très court après lesdits manquements. S'il attend plus longtemps, il doit demander au juge la rupture du contrat, mais il ne peut plus le faire de sa propre initiative.