La grève coûte beaucoup plus à l'économie française qu'à la SNCF

Par Mounia Van de Casteele  |   |  655  mots
Les calculs établis à partir des données de 1995 permettent ainsi d'estimer le coût du mouvement à quelque 300 millions d'euros par journée de grève lors de laquelle rien ne circule.
La grève partielle des cheminots coûterait au pays entre 1 et 2 milliards d'euros selon l'économiste Frédéric Gonand. Explications.

La grève a déjà coûté plus de 150 millions d'euros à la SNCF. C'est en tout cas ce qu'assurait jeudi le PDG de l'entreprise Guillaume Pepy dans les colonnes du Parisien:

"On a perdu 153 millions d'euros, ça fait 15 trains franciliens. Soit un tiers de notre résultat de l'année dernière".

Selon certains média, globalement, ce mouvement serait même plus coûteux que la grève de 1995, qui avait pourtant duré plus de trois semaines. Il faut dire que Guillaume Pepy s'est engagé à rembourser aux usagers 33% de leur abonnement pour le mois de juin "même s'ils n'ont pas voyagé. Du jamais vu."

Des coûts pour la SNCF et pour l'économie française

Mais ce n'est pas l'avis de Frédéric Gonand, économiste et professeur associé à Paris-Dauphine, qui fait la différence entre deux sortes de coûts.

En effet, selon lui, il faut tout d'abord distinguer le coût pour l'entreprise de celui induit pour l'économie entière. Concrètement, "pour faire simple, le coût pour la SNCF s'évalue par la billetterie en moins", explique-t-il. Mais pour l'ensemble de l'économie, "c'est complètement différent":

"L'essentiel du coût vient du fait que pendant les grèves de transports, des gens arrivent plus tard et / ou partent plus tôt. Cela entraîne une diminution du nombre d'heures travaillées alors qu'elles sont payées par les entreprises. Ce qui se traduit par une perte de productivité."

Il précise:

"A partir d'un certain nombre d'enquêtes effectuées à la fin des années 1990 (la référence étant celle de J.-P. Coindet, parue en octobre 1998 dans le Journal of Transportation and Statistics), on peut estimer le nombre d'heures perdues et évaluer leur coût en les multipliant par le salaire horaire moyen. Il faut également tenir compte du surcroît  de la consommation d'essence des personnes qui prennent leur voiture au lieu d'emprunter les transports en commun."

300 millions d'euros par jour

Ces calculs permettent ainsi d'estimer le coût du mouvement à quelque 300 millions d'euros par journée de grève lors de laquelle rien ne circule.

Une estimation qui vaut donc pour le mouvement de 1995, lors duquel "rien ne circulait pendant 16 jours ouvrés", rappelle l'économiste. Selon l'Insee, cette année-là, la grève a amputé le PIB de 0,3% au quatrième trimestre, précise-t-il. Mais l'expert relativise:

"Certes, le PIB est un indicateur utile, toutefois quand la consommation de carburant augmente, cela se traduit par une hausse du PIB".

Quoi qu'il en soit, actuellement, un service minimum est assuré, comme le rappelait d'ailleurs Guillaume Pepy jeudi dans le même quotidien:

"Nous sommes 150.000 salariés à la SNCF et, hier, il y a eu 10.900 grévistes sur les 92.000 qui devaient travailler".

Entre 1 et 2 milliards d'euros

Le coût ne peut donc pas être le même. Frédéric Gonand considère ainsi que l'on peut évaluer ces deux semaines de grève "partielle" comme une semaine de grève complète. Ainsi, à raison de 300 millions d'euros par jour, cela revient pour l'ensemble de la période à un coût compris entre 1 et 2 milliards d'euros.

Un montant qui ne pourra, selon l'expert, pas atteindre celui de la grève de 1995. Mais celui-ci vient alourdir un peu plus la perte du secteur, qui pourrait d'ailleurs être allégée, selon lui:

"Ce qu'il faut retenir, c'est que ça fait des centaines de millions d'euros perdus. Ça coûte cher et ça désorganise les PME (...) Cela va finir par une subvention supplémentaire pour le système ferroviaire qui est déficitaire à hauteur de deux milliards d'euros de pertes par an."

"Un chiffre qui pourrait être bien plus faible si l'on modifiait les conditions du temps de travail des cheminots: s'ils partaient à la retraite plus tard et s'ils achetaient leurs billets de train au même prix que les autres citoyens."