"Dans le dossier Alstom, la méthode employée par le gouvernement a été pertinente"

Par Fabien Piliu  |   |  530  mots
"Si Alstom n’avait pas été une entreprise compétitive, General Electric ne s’y serait pas intéressé", avance Xavier Timbeau, le directeur du Département analyse et prévision de l’OFCE
Dans un entretien accordé à la Tribune, Xavier Timbeau, le directeur du Département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) commente le dénouement de l’affaire Alstom.

La Tribune - Quels commentaires vous inspire la méthode employée par le gouvernement dans le dossier Alstom ?

Xavier Timbeau - Elle me semble pertinente. General Electric ne se plaint pas, il me semble, de l'accueil réservé par le gouvernement français. Certaines activité d'Alstom étant sensibles, il me semble logique et bien utile que l'exécutif défende les intérêts économiques et stratégiques de la Nation.

Mais cette attitude ne tranche-t-elle pas avec la volonté de l'Elysée de dérouler le tapis rouge aux investisseurs ?

Il faut distinguer les activités stratégiques de celles qui ne le sont pas.

Il n'y a donc pas de risque que les investisseurs étrangers se détournent désormais de la France ?

Je le répète, l'état major de General Electric est très satisfait de l'accord trouvé. Par ailleurs, ne soyons pas naïfs. Pensez-vous une seconde que le gouvernement américain resterait les bras croisés si un investisseur chinois ou européen tentait de s'emparer d'une entreprise américaine appartenant à un secteur sensible ?

Ce rachat d'une partie des activités d'Alstom symbolise-t-il la perte de vitesse de l'industrie française ?

Bien au contraire. Si Alstom n'avait pas été une entreprise compétitive, General Electric ne s'y serait pas intéressé. C'est parce que l'entreprise dirigée par Patrick Kron est un leader mondial sur certains segments, qu'elles possèdent des technologies uniques qu'elle a suscité des convoitises du géant américain. Ce sont pour les mêmes raisons que Mittal a jeté son dévolu sur Arcelor. Ne soyons pas défaitiste, la France et ses voisins européens n'ont pas à rougir en matière de compétitivité face au reste du monde.

Et pourtant, une partie des activités d'Alstom est passée sous pavillon américain…

Ce n'est pas de la faute d'Alstom. Si Alstom a cédé du terrain dans le domaine des turbines à gaz, c'est simplement parce qu'il n'y pas de marché européen pour cette technologie.

Pour quelles raisons ?

Le prix du carbone s'est effondré ! Résultat, même si les émissions de CO2 sont bien importantes, la production d'énergie en Europe dépend davantage du charbon que du gaz. S'il y avait eu une politique industrielle qui permette l'émergence d'un marché européen des turbines à gaz dynamique, en lien avec la transition énergétique que beaucoup appellent de leurs vœux, Alstom aurait eu des débouchés pour ses turbines. Ce n'était pas le cas. Ce marché étant solide aux Etats-Unis, il était particulièrement judicieux pour General Electric de se pencher sur le dossier Alstom.

Pour quelle politique industrielle européenne plaidez-vous ?

Le succès d'Airbus est très éclairant. C'est parce que le constructeur aéronautique a pu bénéficier des commandes des compagnies européennes qu'il a atteint une taille critique lui permettant de partir à la conquête du monde et de concurrencer Boeing. Il ne s'agit pas de faire l'interventionnisme pur et dur, notamment dans la gouvernance des entreprises, mais de garantir leur développement en leur donnant accès à un marché européen porteur.