Temps partiel, pénibilité... le patronat exprime sa colère

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  842  mots
Jean-François Roubaud (CGPME) et Pierre Gattaz (Medef) mais aussi les artians employeurs del'UPA menacent de ne pas participer à la Conférence sociale pour protester contre l'instauration du compte pénibilité
Les trois organisations patronales menacent de boycotter la Grande conférence sociale. Elles contestent les décisions du gouvernement de mettre en place un compte individuel pénibilité et d'instituer une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel.

Les trois organisations patronales représentatives, Medef, CGPME et UPA (artisans employeurs), sont en colère et vont le faire savoir... Peut-être même en boycottant la troisième Grande conférence sociale qui doit se tenir les 7 et 8 juillet à Paris. Une décision qu'elles prendront en commun mardi 1er juillet lors d'une réunion de leurs représentants.

L'objet de leur courroux est double : l'instauration du compte pénibilité, prévue par la loi sur les retraites de janvier 2014, à compter du 1er janvier 2015 et l'obligation, dès le 1er juillet prochain, de recruter un salarié à temps partiel pour une durée minimale de 24 heures hebdomadaires. Une machine à détruire des emplois selon la CGPME qui a mis en place un "compteur," selon lequel, d'ores et déjà, 15.000 emplois vont être supprimés - ou non créés - en raison de cette mesure.

Le compte pénibilité vécu comme une "surcharge administrative"

Sur le compte pénibilité, les organisations patronales sont donc furieuses. Pierre Gattaz, président du Medef, n'a de cesse de le dire : cette mesure est une ineptie, alors que le gouvernement affirme vouloir simplifier la vie des entreprises. De fait, comme le prévoit un décret paru récemment, à compter du 1er janvier 2015, les entreprises devront ouvrir un compte personnel pénibilité pour chacun de leurs salariés pour mesurer, sous formes de points, quel est leur degré d'exposition à 10 facteurs recensés de pénibilité.
Pour l'UPA, cette obligation « est clairement impossible pour certains métiers ». Et d'ajouter:

« Ainsi, la bombe à retardement annoncée par l'UPA, bien loin d'être désamorcée, va bientôt exploser. Cette surcharge administrative et financière risque de porter le coup de grâce aux entreprises de proximité qui sont déjà mises à mal par la crise qui perdure ».


L'UPA s'estime trahie : « L'engagement du président de la République de reporter la date d'application du compte pénibilité est d'ores et déjà contredit par les faits ». En réalité, ce qui a été décidé par le gouvernement c'est de reporter à 2017 le versement par les entreprises d'une cotisation égale à 0,01% de la masse salariale pour financer des mesures destinée à pallier la nocivité des facteurs de pénibilité.

Opposition  à une durée minimale des temps partiel

L'imposition d'une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les temps partiels ne passe pas non plus. Cette disposition est issue de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et reprise par la loi sur l'emploi de juin 2013.

Elle prévoyait cependant quelques exceptions. Ainsi, par accord, les branches peuvent tout de même décider d'une durée inférieure à 24 heures. Mais les syndicats ne se sont pas précipités pour conclure de tels accords dérogatoires. Pour encourager la négociation, l'Etat a déjà pourtant décidé de reporter de six mois l'application de la mesure qui devait, initialement, débuter le 1er janvier 2014. Mais le résultat est mince, malgré ce délai supplémentaire de six mois, seules 18 branches ont conclu un tel accord, celle de la propreté notamment, qui a fixé une durée minimale de 16 heures pour tenir compte des salariés qui ont des employeurs multiples. En revanche, aucun texte n'a été signé dans des branches très concernées par le sujet, comme l'habillement ou le commerce alimentaire...

Cette absence de résultats sur le front de la négociation est pour beaucoup dans l'ire du patronat qui, pour le coup, espérait un nouveau délai d'application.

Des dérogations individuelles possibles mais juridiquement incertaines

La loi prévoyait aussi que cette durée minimale de 24 heures n'avait pas à s'appliquer si un salarié à temps partiel embauché après le 1er juillet 2014 demandait par une lettre motivée à travailler moins. Mais, cette dérogation entraîne une insécurité juridique pour l'entreprise. En effet, quid de la demande d'un salarié ayant signé une telle lettre, de « repasser » à un temps partiel d'au moins 24 heures après avoir accepté durant quelques temps de travailler moins de 24 heures ? L'entreprise sera-t-elle obligée de remonter la durée de travail du salarié au nom du respect de la loi?

Selon une information du Figaro du 18 juin dernier, confirmée par le ministère du Travail, les partenaires sociaux et le ministère du Travail se sont mis d'accord pour lever cette insécurité. A priori, le schéma suivant va être retenu : le salarié n'aura pas un « droit » à revenir aux 24 heures, il sera seulement prioritaire si un poste à 24 heures devient disponible dans l'entreprise.

Une façon assez habile de désamorcer de futurs conflits. Mais il n'est pas certain que cette atténuation de la règle des 24 heures suffise à rassurer des employeurs (surtout les « petits ») qui craignent par-dessus tout les situations d'insécurité juridique. Les organisations patronales vont donc le faire savoir, peut-être en ne se rendant pas à la Conférence sociale, ce qui serait une sorte de camouflet à l'endroit du président de la République et du Premier ministre qui, eux, seront là.