Où sont passés les deux millions d'emplois détruits depuis 1980 dans l'industrie ?

Par Fabien Piliu  |   |  583  mots
Le groupe Renault Nissan a inauguré son usine de Tanger en 2012
Voici une étude dont devrait s'emparer les fervents défenseurs de la démondialisation et de la fermeture des frontières. Selon une étude de l'Insee, les entreprises françaises employaient 5 millions de personnes à l'étranger. Sur ce nombre, 42% étaient employés dans l'industrie, soit 2,1 millions de personnes...

Les faits seraient-ils implacables ? Selon une étude de l'Insee publiée ce jeudi, les groupes français multinationaux hors banques contrôlaient 35 400 filiales à l'étranger employant 5 millions de salariés français expatriés et étrangers. Sur ce nombre, 42% étaient employés dans l'industrie, soit 2,1 millions de personnes...

Pour les fervents défenseurs de la démondialisation, pour les partisans d'une fermeture des frontières économiques de la France, le raccourci est facile : les 2 millions d'emplois perdus dans l'industrie depuis 1980 sont simplement partis à l'étranger. Peu importe les raisons ! Que ces implantations de filiales, ces délocalisations aient été motivées par la volonté de conquérir des marchés locaux, de produire à bas coût des biens ensuite réexportés en France ou ailleurs, cette internationalisation serait à l'origine des maux dont souffrent notre industrie.

Le Trésor avance plusieurs facteurs

Or, depuis une étude publiée en 2010 intitulée " La désindustrialisation en France " publiée en juin 2010, on en sait un peu plus sur le déclin de l'emploi industriel entamé en 1980. Selon Lilas Demmou, l'auteure de cette étude, entre 20 et 25 % des suppressions de postes industriels observées sur la période 1980-2007 s'expliquent par leur externalisation vers les services.

Près de 30 % des pertes d'emplois seraient imputables à la déformation de la structure de la demande qui a accompagné les gains de productivité réalisés dans l'économie. Enfin, " d'après une approche comptable, fondée sur l'estimation du contenu en emplois des échanges, le commerce extérieur expliquerait 13 % des destructions d'emplois dans l'industrie. Sur la période récente, ils expliqueraient 28 % des destructions d'emplois dans l'industrie ", conclut l'étude du Trésor.

L'importance toute relative des émergents

Selon une autre étude de l'Insee, le nombre annuel de destructions d'emplois imputables l'internationalisation sur la période 2000-2005 - donc la plus destructrice d'emplois selon le Trésor - est estimé à environ 36.000, " sans présager des effets positifs que le même mouvement de globalisation a pu avoir les créations d'emplois ", explique cette étude.

Les pays émergents qui affichent un coût du travail bien moins élevé qu'en France ont-ils capté les emplois des salariés français ? Là encore, les statistiques battent cette idée, parfois reçue, en brèche. Regroupant 41 % des salariés à l'étranger, l'Union européenne est la première zone d'implantation, devant les États-Unis (11 %), la Chine (8 %) et le Brésil (7 %).

Des effets globalement positifs

Dans son ouvrage intitulé " Internationalisation, performances des entreprises et emploi ", l'économiste Laurent Gazaniol explique que l'internationalisation des entreprises a un effet positif sur leur chiffre d'affaires, leur innovation et leur emploi en France, et contribue donc au développement de l'activité industrielle française. Globalement, l'effet de la mondialisation serait donc positif même si elle profite surtout aux emplois qualifiés, au détriment des emplois peu qualifiés, entraînant parfois la déstabilisation de certains territoires très spécialisés. Les difficultés de certains bassins d'emplois dans le Nord et l'Est de la France trouvent en grande partie son origine dans le déclin de leurs industries vieillissantes.

Le rôle éminemment important de l'Etat

Pour atténuer les effets négatifs de la mondialisation, l'auteur rappelle que les politiques publiques ont donc un rôle essentiel à jouer, " notamment dans les domaines de l'emploi et de la formation ". Des priorités encore affirmées lors de la Conférence sociale organisée cette semaine mais dont les ressorts restent encore à déterminer.