Pacte de responsabilité : le gouvernement s’est-il trompé dans ses estimations ?

Par Fabien Piliu  |   |  574  mots
Difficile d'anticiper précisément les futurs effets d'une réforme, même pour Bercy...
Selon l’IFRAP, le pacte de responsabilité ne créerait que 60.000 à 80.000 emplois à l’horizon 2017. En cause ? L’austérité. Ces estimations viennent confirmer les doutes déjà émis sur l’impact de ce pacte.

Assurer le service-après vente, c'est bien. C'est aussi dangereux. Décidé à convaincre les Français de l'efficacité du Pacte de responsabilité qui contient 40 milliards d'euros allègements sur le coût du travail, le gouvernement promet... des emplois. Beaucoup d'emplois. Selon ses estimations, cet accord permettrait de créer 190.000 postes dans le secteur marchand d'ici 2017, de redresser la compétitivité des entreprises, avec les conséquences que l'on imagine sur leur taux de marge, leurs investissements et in fine sur les exportations. Pour l'instant, seule l'Union des industries chimiques (UIC) a annoncé la signature, avec deux syndicats, du premier accord de branche dans le cadre du pacte de responsabilité. Cet accord prévoit 47.000 embauches de 2015 à 2017.

Les économies pourraient dépasser les 50 milliards d'euros

Cerise sur le gâteau, les efforts intégrés à ce pacte sur la dépense de l'Etat, de ses administrations, des collectivités territoriales et de la sécurité permettraient d'assainir les finances publiques. Au total, 50 milliards d'euros d'économies ont d'ores et déjà été annoncées par le gouvernement, auxquelles devront s'ajouter environ 27 milliards de nouvelles économies, selon l'IFRAP, si le gouvernement souhaite réduire le déficit public à 3% du PIB comme il s'y est engagé auprès de Bruxelles. 

Selon un rapport de l'IFRAP dévoilé par Les Echos, le pacte de responsabilité permettrait de créer en solde net 60.000 à 80.000 emplois à l'horizon 2017 puisque les mesures d'austérité provoqueraient la destruction de 240.000 à 260.000 emplois.

Les doutes se multiplient

Les conclusions du think tank libéral viennent confirmer les calculs de Valérie Rabault, la députée SRC de la 1ère circonscription du Tarn-et-Garonne et rapporteure du budget à la commission des finances de l'Assemblée nationale. Dans un rapport dévoilé le 21 juin, l'économiste avait certes indiqué que le pacte de responsabilité pouvait rehausser l'activité de 0,6 point de PIB à horizon 2017 et créer 190.000 emplois. Mais, selon elle, les 50 milliards d'euros d'économies prévues dans le projet de loi coûteraient 0,7 point de PIB par an en moyenne entre 2015 et 2017 et entraînereraient la suppression de 250.000 emplois à horizon 2017.

Une méthode habituelle pour l'exécutif

Anticiper les effets d'un dispositif ou d'une réforme n'est pas nouveau. Qu'ils soient de droite ou de gauche, les gouvernements communiquent avec entrain sur les retombées positives des réformes engagées pour convaincre de leur absolue nécessité. Pourtant, leurs anticipations sont bien souvent fausses. Alors que Bercy peine à livrer des prévisions de croissance correctes, même à six mois, anticiper les effets d'un dispositif quatre ans à l'avance relève de la technique du doigt mouillé.

Pour preuve des incertitudes qui entourent ses pronostics, l'IFRAP estime que l'impact négatif du pacte de responsabilité serait « compris entre 0,9 et 1,15 point de PIB en 2017 » et l'impact positif compris en 0,06 point à 0,3 point de PIB.

Une technique traditionnelle

Lors du précédent quinquennat, le gouvernement de François Fillon estimait que la loi Travail emploi et pouvoir d'achat (TEPA) de 2007 devait apporter 0,3% de croissance annuelle. Adoptée un an plus tard, la loi de modernisation économique (LME) visait aussi à augmenter de 0,3% la croissance du PIB par an et permettre la création de 50.000 emplois supplémentaires par an. Au total, ces deux paquets de mesures devaient donner la possibilité à la France d'afficher un taux de croissance annuel potentiel de 3%. Des pronostics qui avaient été battus en brèche par la plupart des experts et que la crise a définitivement déjoué.