Nouveaux soupçons de corruption sur le président de la Polynésie française

Par Tiphaine Honoré  |   |  537  mots
En réaction à la garde à vue de Gaston Flosse - qui est sorti libre hier soir- la Présidence de la Polynésie française a publié sur son site un communiqué titré "La chienlit", s'étonnant "d'une telle audition". Reuters
L’inamovible Gaston Flosse, réélu cinq fois depuis 1984 à la tête de la Polynésie française, a été placé en garde à vue pendant toute la journée de lundi. Il est interrogé dans le cadre d'une enquête sur le financement d'un hôpital.

Gaston Flosse enchaîne ses rendez vous avec la justice. Déjà sous le coup d'une condamnation en appel en février 2013 à quatre ans d'emprisonnement avec sursis, 125.000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics, sa carrière risque à présent de prendre fin. La Cour de cassation doit confirmer ou non demain le jugement.

L'immunité parlementaire levée

Mais là ne sont pas les seuls démêlés judiciaires auxquels doit faire face le sénateur Divers droite, ex-UMP. Ce dernier a passé une dizaine d'heures lundi en garde à vue pour être entendu comme simple témoin dans l'enquête sur de possibles irrégularités dans l'octroi de marchés pour la construction de l'hôpital de Taaone. Son immunité avait été levée en avril par le Sénat.

Un contrat accordé sans appel d'offre

En 2003, le gouvernement Flosse avait attribué le chantier de l'hôpital de Taaone à une société de gros-oeuvre, la SMPP, sans appel d'offre, selon des sources judiciaires, qui estiment ce contrat à "plus de 5 milliards de francs Pacifique" (42 millions d'euros).

Quelques semaines plus tard, l'entrepreneur Robert Bernut, qui dirigeait la SMPP, avait vendu l'hôtel du Taharaa à Reginald Flosse, fils de Gaston, à "un prix dérisoire" selon les mêmes sources. Ensuite, Reginald Flosse n'a finalement jamais payé ce qu'il devait à Robert Bernut.

Le juge d'instruction Philippe Stelmach soupçonne Gaston Flosse d'avoir fait pression sur le directeur de l'Etablissement d'aménagement et de développement (EAD), chargé de l'attribution du marché de l'hôpital, pour qu'il choisisse la SMPP. Son fils Reginald et Robert Bernult sont quant à eux mis en examen pour corruption. 

 "La chienlit"

En réaction à la garde à vue de Gaston Flosse - qui est sorti libre hier soir- la Présidence de la Polynésie française a publié sur son site un communiqué titré "La chienlit" s'étonnant "d'une telle audition" :

"Le choix de placer le Président en garde à vue à la gendarmerie de Papeete ne peut que procéder d'une mesure délibérée d'humiliation".

Le communiqué suggère ensuite un "esprit de revanche" qui animerait le juge d'instruction après l'annulation d'une autre procédure : 

"On notera curieusement que cette nouvelle procédure intervient quelques jours après l'annulation de celle conduite par le même juge d'instruction dans l'affaire dite OPT-Haddad. De là à penser que cette procédure est animée d'un esprit de revanche, il n'y a qu'un pas que nous n'hésitons pas à franchir."

Épilogue

L'hôpital du Taaone est entré en service en 2010. C'est un fleuron architectural et sanitaire dans un océan Pacifique souvent dépourvu de soins modernes. L'hôtel du Taharaa lui, n'a jamais rouvert depuis qu'il a été racheté.

Selon la justice, la SMPP est en cessation de paiement et a aujourd'hui plus de huit millions d'Euros de dettes.

Outre la procédure devant la Cour de cassation pour sa condamnation en appel pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics, Gaston Flosse est également poursuivi pour détournement de fonds, dans une affaire d'atoll acquis par la Polynésie française à un prix surévalué.