Cotisations sociales, CSG, "heures sup"... des censures à géométrie variable

Par Jean-Christophe Chanut et Marina Torre  |   |  795  mots
Pour les Sages, la baisse dégressive des cotisations des salariés "méconnaît le principe d'égalité".
Censuré par le Conseil constitutionnel, l'un des points forts du pacte de responsabilité consistant en un allègement des cotisations salariales des salariés les plus modestes devrait être remplacé par des "mesures alternatives de grande ampleur"; La décision du Conseil Constitutionnel tranche avec sa position adoptée sur les "heures sup" en 2007.

Le gouvernement doit donc revoir sa copie. L'exécutif proposera à la rentrée des "mesures alternatives de même ampleur" que les allègements dégressifs de cotisations sociales initialement prévues dans le cadre de la loi de Budget rectificative 2014 de la Sécurité sociale et censurés mercredi 6 aout par le Conseil constitutionnel.

A la suite de cette décision, les deux ministères (Finances et Affaires sociales), dans un communiqué commun, ont annoncé leur intention d' "amplifier" l'an prochain le "dispositif de baisses d'impôt déjà annoncé" par l'exécutif pour les particuliers. Des mesures fiscales remplaceront donc des mesures sociales.

CSG, l'impôt sut le revenu, le crédit d'impôt et la PPE ?

"On ne peut pas revenir avec une mesure sur les cotisations salariales, donc cela passera par la voie fiscale", a, de son côté, indiqué une source de Matignon à l'AFP. Plusieurs options seraient sur la table: "la CSG, l'impôt sur le revenu, le crédit d'impôt et la PPE (prime pour l'emploi)".

L'allègement de CSG avait été aussi censuré en 2000

Concernant la contribution sociale généralisée, une autre source, au ministère des Finances, a rappelé que le Conseil constitutionnel avait censuré en décembre 2000 un projet de "ristourne dégressive" sur cette dernière. De fait, en 2000, Lionel Jospin alors Premier ministre, avait souhaité appliquer un allègement de CSG sur les bas salaires. Mais cette mesure, déjà au nom du principe de l'égalité, avait été censurée le 19 décembre 2000 par le Conseil Constitutionnel. En remplacement, Lionel Jospin avait alors institué la "prime pour l'emploi" pour les bas salaires qui prenait soit la forme d'un crédit d'impôt (pour les salariés soumis à l'impôt sur le revenu), soit d'un chèque versé par le Trésor pour ceux non soumis à l'impôt sur le revenu.

Quatorze ans plus tard, à la lecture de ce qui s'est passé en 2000, il y a donc fort peu de chances que le gouvernement tente de retoucher à la CSG. En revanche, une refonte du mécanisme de la prime pour l'emploi n'est pas exclue. En tout état de cause, la nouvelle mesure de remplacement devrait être intégrée soit au projet de loi de finances initiale pour 2015, qui doit être présenté fin septembre, soit à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, soit les deux.

La loi Tepa de 2007 sur les "heures sup" avait échappé à la censure

S'agissant de la décision du Conseil Constitutionnel, elle ne surprend pas puisqu'en 2000 elle avait déjà adopté cette position à propos de la CSG, même si, cette fois, il s'agit des cotisations salariales de sécurité sociale.

En revanche, ce qui peut "interroger" est le fait que les "sages" n'aient pas statué de la même façon en 2007 quand le gouvernement Fillon avait fait voter la loi "Tepa", traduction concrète du fameux  "travailler plus pour gagner plus", cher à Nicolas Sarkozy. Cette loi, prévoyait en effet que les gains tirés des "heures sup" seraient, pour les salariés,  exonérés d'impôt sur le revenu. Deuxièmement, ces "heures sup" bénéficiaient également d'un allègement supplémentaire de cotisations salariales, toujours au profit donc des salariés.

Or, à cette époque, le Conseil Constitutionnel n'avait pas considéré qu'il y avait rupture d'égalité entre les salariés ayant la possibilité d'effectuer des "heures sup"  et ceux qui ne l'avaient pas, "les heures sup" étant de la seule initiative des entreprises. En outre, certains juristes avaient en pure perte soulevé le problème, le fait que certaines heures de travail ("les heures sup et heures complémentaires") soient exonérées d'impôt sur le revenu et d'allègements de cotisations et pas d'autres (les heures "normales") était un principe tout à fait discutable.

En tout état de cause, cette différence de position entre 2007 et 2014 va continuer de jeter un doute sur le caractère impartial des décisions du Conseil Constitutionnel qui va être accusé d'avoir plutôt pris une décision politique...

Une mesure à 2,5 milliards d'euros

Si la mesure de remplacement  elle est bien "de même ampleur" que l'option censurée il faudra donc trouver 2,5 milliards d'euros. La baisse dégressive des cotisations des salariés touchant entre un Smic et 1,3 Smic, devait concerner 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires. Elle représentait 520 euros par an pour un emploi à temps plein au Smic (1.445,38 euros mensuels bruts). La CGT propose que les salaires soient relevés d'autant en compensation, alors que la CFDT prône une réforme fiscale de "plus forte ampleur" pour redonner du pouvoir d'achat.