"Le gouvernement doit changer de logiciel sur les professions réglementées"

Par Fabien Piliu  |   |  636  mots
Michel Chassang maintient l’appel lancé par l’UNAPL d’une journée sans professions libérales le 30 septembre
Michel Chassang, président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), considère que la volonté de dialogue affichée par Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, n'est que de façade dans le dossier de la libéralisation des professions règlementées.

La Tribune - Vendredi après-midi, vous avez rencontré Emmanuel Macron, le ministre de l'Économie. Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre ?

Michel Chassang - Nous saluons la volonté de dialogue du nouveau ministre de l'Économie. Son attitude tranche avec celle d'Arnaud Montebourg, son prédécesseur. Le contraste est saisissant.

Cette rondeur des formes s'accompagne-t-elle de plus de souplesse de la part de l'exécutif, toujours décidé à libéraliser certaines professions règlementées ?

Pas du tout. Sur le fond, le gouvernement n'a pas varié d'un iota. Il semble toujours décidé à agir vite et fort.

Selon vous, la dérèglementation de certaines professions serait-elle de nature à redonner du pouvoir d'achat aux Français, comme le martelait Arnaud Montebourg à l'initiative de ce chantier ?

C'est absurde ! Qu'est ce qui permet de penser que la libéralisation des tarifs se traduirait par une baisse des prix qui bénéficierait à tous les ménages et qui serait par ailleurs uniforme sur l'ensemble les territoires. Faire ce pari est très dangereux.

Le gouvernement veut agir sur quatre leviers : la liberté des prix, le numérus clausus, l'ouverture du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) et le monopole des actes. Certains sujets sont-ils tabous à l'UNAPL ?

L'UNAPL n'a pas vocation à s'exprimer sur des sujets qui concernent spécifiquement certaines catégories de professionnels. Même si nous les soutenons, nous n'allons pas interférer dans les dossiers des notaires ou des pharmaciens. Ils n'ont pas besoin de nous. En revanche, sur des sujets transversaux, nous sommes prêts à défendre avec acharnement les intérêts des professionnels et des consommateurs.

Lesquels ?

Souhaitée par Bruxelles, qui souhaite libéraliser le secteur des services, l'ouverture du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) est un casus belli si le gouvernement veut passer en force. En interprofessionnel, le sujet peut être discuté. Dans certains secteurs, notamment dans le domaine de la santé, le procédé existe déjà. Des médecins, des pharmaciens et des kinésithérapeutes se sont associés dans des sociétés d'exercice libéral interprofessionnelles ambulatoires (SISA) Mais je constate que d'autres professions s'y opposent. C'est notamment le cas des notaires.

Le gouvernement estime que cette mesure permettrait aux professionnels d'attirer de nouveaux investisseurs.

Nous ne voulons pas que des investisseurs non professionnels, tels des fonds de pensions, viennent dicter la stratégie des cabinets, des officines ou des études. Ce serait une dérive ultra-libérale très dangereuse pour notre système social.

Le gouvernement veut aller vite. Des réunions tripartites entre Bercy, la Chancellerie, le ministère de la Santé et les représentants des professionnels sont d'ores et déjà programmées. Dans ce contexte apaisé, comptez-vous suspendre l'appel lancé par l'UNAPL d'une journée sans professions libérales le 30 septembre.

Le gouvernement est pressé ? C'est son problème. Nous serons prompts à agir s'il veut nous forcer la main. En attendant d'en savoir davantage sur ses intentions exactes, nous maintenons notre appel à une journée sans professions libérales.

Faut-il que le gouvernement revoit sa copie ?

Le gouvernement doit changer de logiciel. L'ultra-libéralisme qu'il réclame est totalement incohérent avec le système que l'État a mis en place. Certaines professions libérales, notamment dans le domaine de la santé ou du droit, remplissent des missions de service public qui, lorsqu'elles sont conventionnées, pratiquent des tarifs administrés négociés avec l'Assurance-maladie ou l'État. Mais si les prix sont libres, si, à cause de l'austérité, l'État décide d'augmenter le nombre des délégations de service public au secteur privé pour ne pas avoir à embaucher dans les hôpitaux, l'impact sur les comptes de la Sécurité sociale risque d'être désastreux !